011IV. Rupture du rapport ontologique

Matoré, dans un ouvrage précurseur sur l’importance des figures et expressions spatiales dans les discours culturels de son époque, soulignait l’angoisse sous-jacente de l’homme moderne vis-à-vis d’une réalité qui lui échappe et avec laquelle il n’arrive plus à entrer en contact :

‘Pour la pensée rationalisée qui joue un rôle prépondérant dans nos métaphores, l’espace n’est pas seulement un décor, un prétexte ou un outil, il est la « matière » même dont elle est constituée. Et à notre avis, cette rencontre de l’espace et de la pensée n’est nullement fortuite ; liée au phénomène de l’angoisse, elle exprime le besoin qu’a l’homme d’aujourd’hui d’assurer son contact avec le monde et d’affirmer sa solidarité avec les autres hommes [...]792.’

Cette remarque qui portait sur les années 1950-1960 est aussi pertinente pour l’ensemble de la période moderne depuis le début du XXe siècle et elle associe clairement langage « spatial » et angoisse devant un « contact » menacé avec le monde et les autres hommes. Chez Conrad, Lowry et White, nous verrons que le sentiment d’un contact perdu ou du moins problématique avec le monde se traduit par la récurrence de deux figures spatiales essentielles, les mains et le paysage, la terre.

Notes
792.

Georges Matoré, L’espace humain, A. G. Nizet, 1976, p. 22.