1.2.2 Les techniques de fabrication des lames polies

1.2.2.1 L’acquisition des roches

Si les déterminations de roches puis les identifications de sources ont très tôt connu un développement conséquent, l’étude de leurs modes d’acquisition est restée en marge des préoccupations des Préhistoriens. Les découvertes de minières de silex dès la fin du XIXème siècle (Bostyn et Lanchon 1992, p. 22-25), certaines destinées à des productions en masse de lames de hache, puis la mise au jour de carrières de roches tenaces dès le début du XXème siècle dans les îles britanniques8 n’ont pas généré de recherches approfondies sur le terrain (Bradley et Edmonds 1993, p. 61-69)9. Deux autres faits cependant auraient pu attirer l’attention : d’une part, l’ampleur atteinte par certains sites de débitage et de taille ainsi que par les diffusions de leurs produits laissaient supposer qu’«une manufacture considérable ne pouvait se pratiquer qu’en connexion avec des mines, des carrières ou des concentrations superficielles de matière» (Clark 1955, p. 362-363, note 14). D’autre part, la découverte de carrières dans des sociétés sub-contemporaines, en particulier sur l’Ile de Nouvelle-Guinée, portée très vite à la connaissance des préhistoriens10 permettait d’établir des comparaisons. Cela n’a pas été le cas. Au contraire, l’idée a été répandue d’approvisionnements plus ou moins opportunistes sur des gisements secondaires (détritiques ou alluviaux), réputés être d’exploitation plus aisée et ne laissant pas de traces archéologiques, donc inutiles à rechercher. De fait, les rares carrières de roches tenaces découvertes depuis les années 1940 en Europe occidentale ont été l’aboutissement de prospections orientées par les données pétrographiques disponibles, que ce soit en Angleterre (Great Langdale : Fells 1954), en Bretagne (Plussulien : Le Roux et Giot 1965), dans le Rouergue (Requista ; Servelle 1993) ou dans les Vosges (Plancher-les-Mines ; Pétrequin, Jeudy et Jeunesse 1996).

Les sites d’exploitation reconnus sur les affleurements ne sont jamais des points isolés mais se regroupent en ce qui a été appelé des complexes d’extraction. Il s’agit soit de complexes miniers, comme pour le silex (Labriffe et Thébault 1995) ou les minéralisations (avec le cas exemplaire des mines de variscite de Can Tintorer à Gavà, en Catalogne, productrices de perles : Villalba, Bañolas et alii 1986), soit de sites associant carrières avec front de taille et/ou fosses d’extraction et/ou attaque de blocs naturellement détachés. Ces complexes d’extraction, dont l’extension reflète la durée de fonctionnement et l’intensité de la production, peuvent être groupés sur un seul point (plus de 50 ha pour la colline de Sélédin à Plussulien, 6 ha pour le groupe principal de Plancher-les-Mines, 10 ha à Réquista ; supra) ou se développer sur plusieurs sites, l’un étant en général prépondérant. Le complexe de Great Langdale dans les montagnes cumbriennes anglaises en est une bonne illustration, avec trois principaux groupements de sites d’extraction reconnus : Glaramara, Scafell Pike et surtout le plus important, Great Langdale au sens strict (Bradley et Edmonds 1993, chapitre 4).

Notes
8.

Graig Lwyd au Pays de Galles (Warren 1922), Brockley sur l’île de Rathlin au large de l’Irlande du Nord (Whelan 1934).

9.

Les auteurs proposent trois causes au désintérêt pour les sites de production en Grande-Bretagne : l’attention portée surtout aux monuments, la localisation marginale des carrières de roches tenaces, dans les Highlands gallois et écossais et l’importance prise par les déterminations pétrographiques (cf. § précédant).

10.

Strathern 1965, Chappell 1966, pour les premières mentions ; cf. Pétrequin et Pétrequin 1993, Introduction, pour un historique des recherches sur l’île de Nouvelle-Guinée.