1.2.2.2 L’aspect technologique : la fabrication des lames polies

L’étude technologique des différentes étapes de la fabrication des lames polies n’a été mise en oeuvre, sauf exceptions, que lorsque des résultats semblaient possibles, c’est-à-dire lorsque des pièces techniques attestaient du travail des roches sur un site, au détriment de l’analyse plus difficile des pièces achevées.

L’étude du débitage et de la taille, facilitée par le volume de déchets produits et leur bonne conservation, s’est développée sur les sites où celle-ci s’est pratiquée : lieux d’extraction et sites de taille, en habitat ou spécialisés (ateliers). Pour les premiers, les études menées sur le complexe de Sélédin à Plussulien ont montré que toutes les étapes du façonnage sont effectuées sur l’affleurement exploité ou aux alentours immédiats, à l’exception du polissage. Aucun site de taille ou de bouchardage n’a pu être identifié aux alentours (Le Roux 1999). A Plancher-les-Mines et à Saint-Amarin au contraire, seuls le débitage et l’ébauchage des pièces sont effectués dans les carrières (étude de Françoise Jeudy, publiée in Jeudy, Jeunesse et alii 1995, Pétrequin et Jeunesse dir. 1995 et Pétrequin, Jeudy et Jeunesse 1996). Au plus fort de la production, au début du IVème millénaire avant J.-C., la taille et le bouchardage sont réalisés dans les habitats de la Trouée de Belfort (ibid. ; Piningre 1974 ; Séara 1995). Une configuration semblable est identifiée pour les exploitations de cinérites de Réquista (Servelle 1993 ; Dausse 1996) et pour les cas documentés en Grande-Bretagne (David et Williams 1995 ; Bradley et Edmonds 1993, chapitre 5). En Italie du Nord, les premières études menées dans le Piémont, à Roreto/Balm’Chanto (Bertone 1982, 1983 ; Biagi et Isetti 1987) connaissent depuis peu des développements sur les sites de taille et de finition des basses terres du Piémont et de la Lombardie, à Brignano Frascata (D’Amico et Starnini 1996 ; Zamagni 1996d), Rivanazzano (Mannoni, Starnini et Simone-Zopfi 1996), Alba (Venturino-Gambari et Zamagni 1996a) ; ainsi que dans les Apennins liguro-piémontais : Monte Savino à Sassello (Garibaldi, Isetti et Rossi 1996b) et en Ligurie, à La Pollera (ibid. 1996a) et aux Arene Candide (Starnini et Voytek 1997b).

Les autres techniques de travail de la roche, bouchardage et polissage, sont moins souvent étudiées car elles laissent peu de traces archéologiques et sont d’interprétation difficile, même en présence d’outils : les bouchardes peuvent avoir de nombreuses fonctions, de même que les polissoirs qui sont souvent utilisés jusqu’à épuisement et peuvent se désagréger. C’est donc sur les sites où ces étapes de travail sont les plus évidentes que leur étude a été entreprise. C’est le cas à Plussulien où d’épaisses couches de poussière de roche concrétionnée attestent le bouchardage (Le Roux 1999), et surtout des habitats de milieux humides du nord-ouest des Alpes. Après les études pionnières menées à Seeberg-Burgäschisee-Sud (Spycher 1973), les travaux de Claude Willms sur les niveaux Cortaillod de Twann et de Catherine Buret sur les sites d’Auvernier ont marqué un tournant par une véritable prise en compte technologique de l’ensemble de la fabrication (Willms 1980 ; Buret 1983). Cette voie a été suivie depuis la fin des années 1970 lors de publications monographiques de fouilles : mentionnons les sites d’Egolzwil (Wyss 1976, 1983, 1994), de Twann (Furger 1981), de Zürich-Mozartstraße (Ruckstühl 1987), de Chalain 3 (Jeudy, Maître et alii 1997).

Le sciage, technique de débitage et de façonnage, a particulièrement attiré les Préhistoriens depuis la fin du XIXème siècle (par exemple, Déchelette 1908 ; Müller 1911). Il est bien attesté en Suisse mais se rencontre dans d’autres régions, et a été noté (Giot 1952 ; Nougier et Robert 1953 ; Cordier 1987), étudié en détail sur des séries archéologiques (Willms 1980 ; Buret 1983 ; Kelterborn 1992) ou approché par expérimentation (Kelterborn 1991, avec bibliographie sur le sujet).

Autre voie d’investigation, l’étude expérimentale sur les procédés de fabrication demeure peu développée. Elle ne prend son sens que lorsqu’elle est réalisée en étroite relation avec l’étude de cas archéologiques, qui seule permet de mettre en place une méthode de travail efficace (Bradley et Edmonds 1993, chap. 5 ; Pétrequin et Jeunesse dir. 1995 ; Delcaro 1996), mais le détail des expérimentations demeure souvent inédit (mémoire de maîtrise d’Ivan Praud, 1993, de Nathalie Lazard, 1993 ; Le Roux 1999).