1.2.3 La morphologie et la morphométrie

Les typologies basées sur l’analyse des formes ou les dimensions des lames de hache connaissent un certain succès, car elles font appel à des méthodes classiques en archéologie et fournissent d’utiles bases classificatoires lorsque les lames polies présentent une réelle diversité de formes. C’est le cas pour une grande partie de l’Europe continentale marquée par la néolithisation de courant danubien : les études menées dans ces régions mettent en avant les grands types de lames polies, souvent perforées avec des formes assez strictes qui permettent de cerner des évolutions chrono-culturelles (Brandt 1967 ; Hoof 1970 ; Willms 1982 ; Zápotocky 1991 ; Farruggia 1992). Dans le même but, les abondantes séries issues des sites lacustres et palustres suisses ont été mises à profit dans les monographies culturelles des années 1940 à 1960 (Gonzenbach 1949 ; Baer 1959 ; Drack 1969 ; Itten 1969, 1970 ; Strahm 1969, 1971). Mais la typologie est plus difficile à manier dans les régions où les lames polies ne sont pas perforées, car leur diversité morphologique est déconcertante au premier abord. Une fois dépassés les débats sur la forme des sections (opposition section ovale/section quadrangulaire (cf. rappel historique in Buret 1983, p. 8-14), les analyses ont pris deux directions. D’une part, au niveau pratique s’est développée l’étude statistique de grandes séries (Spycher 1973 ; Woolley, Bishop et alii 1979, Lazard 1993 ; cf. les études suisses mentionnées au § précédant). D’autre part, une orientation plus théorique a été tentée par la proposition de constitution de bases de données normalisées à nombreux critères descriptifs (Mourre 1979 ; Ricq-de Bouard et Ducasse 1983 ; Ricq-de Bouard 1996 ; Delcaro 1998)11. La multiplication des critères et de leurs variables possibles, ainsi que le recours à des analyses sans réel questionnement sur la signification des critères conduit parfois à une prolifération de types et de sous-types d’interprétation difficile (cf. les critiques formulées par J.-P. Farruggia 1985 et 1992, chap. 2).

Au bilan, il apparaît que l’analyse globale des formes et des dimensions n’est efficace que pour des productions très diversifiées, par exemple pour les outils perforés tels que les coins, les lames de hache-marteau, de hache bipenne, etc. Avec la notion de périphérisation, Jean-Paul Farruggia a montré par des méthodes simples toute l’interprétation historique possible de ces objets (Farruggia 1993). Elle est au contraire peu efficiente pour la compréhension des lames pleines, réputées à la fois monotones et disparates, comme c’est le cas pour les productions des Alpes occidentales.

Notes
11.

P. Corboud nous a fait part du modèle de fiche descriptive qu’il a mis au point et appliqué avec les étudiants du Département d’Anthropologie de l’Université de Genève lors d’un séminaire donné en 1996-97, fiche qui reprend dans les grandes lignes les critères des auteurs précités.