1.2.7 Conclusion

Si l’on veut bien considérer que la compréhension du fonctionnement des sociétés néolithiques et de leur devenir historique est un but supérieur de la recherche, il faut reconnaître que l’étude fragmentaire et parcellisée d’un type d’objets ne peut fournir qu’une vision partielle des sociétés concernées, et plus particulièrement l’étude d’un aspect précis des questions posées par un type de production matérielle. Pour cette raison, les études présentées ci-dessus conduisent toutes au même constat : elles débouchent dans les meilleurs des cas sur la compréhension fine d’un problème particulier et constituent des référentiels analytiques indispensables, mais n’autorisent pas un regard plus large. Seule l’intégration méthodologique d’un faisceau de faits peut donner un sens aux objets archéologiques. L’exemple des études menées à partir des sites de milieux humides du nord-ouest des Alpes est significatif à cet égard : ce n’est que lorsque les premières travaux sur la hache en tant qu’outil entier ont été menés à bien que l’on a pu prendre conscience que cet outil a une véritable histoire technique, culturelle et géographique.

Dans cette optique, il faut souligner l’intérêt de deux travaux déjà mentionnés ci-dessus, qui, par le biais de l’étude d’un cas de production et de diffusion, visent à prendre en compte l’ensemble des données archéologiques pour proposer une vision renouvelée des sociétés qui les ont produits. Dans le cas du programme conduit sur les productions des montagnes cumbriennes (Great Langdale), un travail de terrain raisonné de sondages et de fouilles-test a été mené sur les sites d’extraction et de taille du complexe de Great Langdale. Puis ont été étudiées les circulations des lames de hache produites, sur la base des données pétrographiques constituées par des décennies d’enquêtes pétrographiques, auxquelles ont été intégrées les données concernant les contextes d’usage et de rejet (dépôt, fracture, refaçonnage, etc.) des objets. L’étude s’est aussi enrichie par une réflexion sur les interactions entre centres de production de lames de hache (Edmonds 1993 ; Bradley et Edmonds 1993). Les travaux menés sous la direction de P. Pétrequin sur les productions de lames de hache en roches noires vosgiennes ont suivi les mêmes voies d’analyse, de la reconnaissance des centres d’extraction jusqu’à la prise en compte des contextes de rejet ultime. L’étude s’est en outre enrichie par l’intégration dès les phases préliminaires du travail des importants modèles ethno-archéologiques élaborés peu de temps auparavant sur les populations d’Irian Jaya (Pétrequin et Pétrequin 1993), lesquels ont explicitement fourni la trame analytique et interprétative retenue pour les productions vosgiennes (Jeudy, Jeunesse et alii 1995 ; Pétrequin et Jeunesse dir. 1995 ; Pétrequin, Jeudy et Jeunesse 1996).

Ces démarches nous semblent constituer un axe important du renouvellement de la compréhension du fonctionnement interne des sociétés néolithiques. Elles ont servi de fondement à la méthode d’étude adoptée pour notre travail, que nous devons maintenant expliciter.2. Définition et problématique du sujet

Afin de définir au plus juste les axes de notre travail, il convient de brosser au préalable un tableau critique de l’état des connaissances sur les questions de production et de circulation des haches néolithiques dans les Alpes occidentales. Nous présentons ensuite les enjeux interprétatifs liés au circulations des lames de hache, tant dans leurs relations avec les structures sociales qu’avec les processus de néolithisation dans les Alpes. La problématique retenue est ensuite présentée.