2. Méthodologie

Sur la base de la problématique définie ci-dessus, nous présentons dans cette section la méthode d’étude retenue, en trois parties. Il s’agit en premier lieu de définir les choix stratégiques du travail, choix théoriques et pratiques. Nous introduisons ensuite la méthodologie de l’analyse des faits puis celle de leur interprétation.

2.1 Choix stratégiques et pratiques

Le choix stratégique primordial a été de ne pas tenter une étude exhaustive de l’ensemble du système haches, projet quelque peu utopique qui dépasse probablement la capacité de travail d’une seule personne et sûrement -et de loin- la somme de travail réalisable dans le cadre d’une thèse, compte-tenu de l’état initial de la documentation. Nous avons au contraire décidé de focaliser l’étude sur un certain nombre des composantes de ce système d’objets.

Nous avons choisi d’étudier en priorité les objects des collections existantes, au détriment d’une recherche de terrain sur les affleurements de roche et sur les sites connus. Ce travail nous a semblé indispensable car lorsque nous avons débuté cette étude, quasiment aucune des lames de hache prises en compte n’était publiée. Le travail de terrain a cependant été mené sur plusieurs points ponctuels qui seront présentés plus loin en détail (chapitre 2 ; carte 11), qui concernent les disponibilités en matières premières et la recherche de sites d’extraction.

Le travail sur les objets était impossible à réaliser à l’échelle de la problématique générale retenue, de par la quantité d’objets à étudier, leur dispersion géographique dans les collections et les problèmes d’accès à celles-ci eu égard au temps imparti. En outre d’autres travaux d’étudiants avaient été engagés avant ou en même temps que nous, travaux que nous nous sommes fait un devoir de respecter. Mais en retour, l’existence de ces travaux aboutis ou en cours nous a été d’un précieux secours pour comparer nos propres résultats. Nous distinguerons donc une zone géographique d’étude proprement dite (carte 2), où nous avons cherché à voir la totalité des lames polies, et une zone de compréhension qui est celle de la vraie échelle de diffusion des productions alpines, qui se situe de la Méditerranée au Rhin et de la Loire à l’Adriatique. Dans cette seconde zone, nous avons vu un certain nombre de collections de fouille qui nous permettent de comparer nos observations avec les données bibliographiques (cf. annexe 1). Nous tenterons dans la partie consacrée à la synthèse de nos travaux d’atteindre une vision globale des productions alpines par l’intégration de toutes les données existantes.

La zone de travail a été définie de manière à prendre en compte, au sein des Alpes occidentales considérées en tant qu’ensemble géographique dominé par les reliefs montagneux (massifs internes et avant-pays), la plus grande partie possible du système de circulation des lames polies, depuis leurs sources (cartes 2 et 8). Pour ce faire, nous avons intégré la totalité des massifs et vallées des Grandes Alpes, à savoir le Valais suisse, le Val d’Aoste, les vallées et massifs du Piémont (province de Turin), les vallées et massifs des Alpes françaises du Nord (départements de la Haute-Savoie, de la Savoie et de l’Isère) et une partie des Alpes du Sud (département des Hautes-Alpes). Nous n’avons pas pris en compte les Alpes provençales, afin de respecter le travail de thèse engagé par Nathalie Lazard sur ce sujet, ni les Alpes du Sud-Piémont, à cause de l’indigence des données dans cette région. Plus au Sud-Est, les Apennins ligures et piémontais, zone de production importante de lames polies dont une documentation conséquente est publiée (cf. chapitres 2 et 3), ont été intégrés dans les synthèses mais n’ont pas fait l’objet d’une étude personnelle. Une grande attention a également été portée aux avant-pays alpins correspondant à une bonne partie du bassin du Rhône, où les circulations de roches alpines s. géogr. revêtent une importance particulière. Nous avons donc intégré le département de l’Ain ainsi que l’axe du Rhône (départements de l’Isère et de la Drôme essentiellement). La rive droite du Rhône n’a été étudiée que dans le département de l’Ardèche, région importante de par le nombre de sites documentés. La limite méridionale de notre zone d’étude suit donc un tracé assez régulier qui s’appuie de l’ouest vers l’est sur des limites géographiques (carte 4) : le passage à la basse vallée du Rhône, au niveau des confluences de la Cèze et de l’Ardèche en rive droite, et de l’Eygues et de l’Ouvèze en rive gauche ; le massif du Ventoux et la montagne de Lure ; la cluse de la Durance à Sisteron ; le grand axe transalpin de la vallée de l’Ubaye-Stura di Demonte via le col de Larche. La limite orientale est celle des reliefs alpins sensu stricto. Les limites Nord sont plus arbitraires. En Suisse, elles correspondent aux limites du haut bassin du Rhône (Valais) et à la rive méridionale du lac Léman. Intégrer les nombreuses séries issues des fouilles lacustres de l’ensemble du bassin lémanique et du Plateau suisse aurait multiplié d’un facteur difficile à maîtriser le nombre d’objets à analyser ; de plus, des données conséquentes sont publiées. Nous avons néanmoins vu plusieurs séries de ces régions (annexe 1). Plus à l’ouest, la partie méridionale du massif jurassien a été choisie comme limite, Christophe Croutsch ayant en cours un travail de thèse portant sur cette région. La Bourgogne sud-orientale (vallée de la Saône) a retenu notre attention et, à défaut de pouvoir y mener une analyse détaillée de toutes les productions15, nous avons focalisé l’approche sur la reconnaissance des circulations de roches alpines. De même pour des raisons pratiques les limites occidentales de notre travail ont été celles de la vallée du Rhône, à l’exception de l’Ardèche précitée. Au-delà, avec le Massif Central nous entrons dans un autre monde lithique et culturel qui n’est plus alpin.

Une fois ces limites spatiales posées, le choix stratégique a été d’étudier l’ensemble des collections existantes et accessibles, que ce soit des séries issues de sites néolithiques fouillés ou prospectés ou les collections d’objets dits isolés, c’est-à-dire sans contexte connu. Ce choix, qui a alourdi notre travail, est dû à la nécessité de prendre en compte l’ensemble des productions de hache existantes, sur l’ensemble de la période néolithique. Or, la grande hétérogénéité des séries issues de contextes documentés par des fouilles et en particulier la sous-représentation importante de régions et de périodes entières, a pu être en partie compensée par la prise en compte des objets sans contexte qui fournissent une documentation statistique et spatiale complémentaire appréciable.

Le principe méthodologique retenu a été de considérer l’ensemble de ces lames de hache comme un système d’objets cohérent (cf. supra), chaque objet étudié devant être replacé, dans la mesure du possible et à tous les niveaux de l’analyse, à sa place dans le système d’ensemble. Il a donc été nécessaire de constituer une base de données normalisées où chaque objet a été pris en compte selon des critères identiques (annexe 11). Deux mille deux cent objets environ ont été ainsi décrits, pour plus de deux mille cinq cent étudiés de visu dans notre zone de travail. Cette base documentaire a été complétée par le dessin de plus de huit cent pièces ainsi que par de nombreuses photographies.

Notes
15.

Dans l’axe de la Saône existent en particulier des productions de diffusion régionale (chapitre 2 ; carte 18).