2.3 Méthodologie de l’interprétation

Bien que toutes les méthodes d’études présentées ci-dessus ne soient pas des outils de description pure mais intègrent, à un niveau conscient ou non, des éléments interprétatifs liés aux concepts mis en oeuvre, nous nous proposons de regrouper dans un chapitre spécifique (chapitre 8) la discussion sur l’interprétation des faits construits tout au long de l’étude. Du point de vue méthodologique, la recherche d’une cohérence historique se fera au moyen de deux approches : le recours à des modèles interprétatifs ethno-archéologiques et la confrontation de nos données avec l’ensemble des connaissances du Néolithique.

Les modèles ethno-archéologiques de fonctionnement de systèmes de production de haches sont rares. Seules certaines sociétés sub-contemporaines de l’île de Nouvelle-Guinée ont pu être étudiées sous cet angle, et il s’agit d’une préoccupation à la fois récente et de peu d’avenir de par l’évolution rapide de ces populations marginalisées (Pétrequin et Pétrequin 1993). Deux travaux d’importance concernant l’île de Nouvelle-Guinée peuvent néanmoins être utilisés : les recherches de J. Burton sur les populations des hautes terres de Papouasie-Nouvelle-Guinée (Burton 1984, 1989) et celles de A.-M. et de P. Pétrequin en Irian Jaya (Pétrequin et Pétrequin 1990, 1993). Toutes deux concernent au premier chef les systèmes de production, de l’extraction des roches aux outils finis, et les systèmes de circulations (principalement d’échanges), mais également les modes d’usage des haches.

La deuxième approche est celle d’une confrontation des données acquises dans ce travail avec celles concernant les sociétés néolithiques dans leur ensemble. Il s’agit de tenter de déterminer la place du système haches dans les systèmes technique, économique et idéel des sociétés néolithiques qui les ont produites, et en particulier ses relations avec les autres éléments du système lithique. Il existe en effet dans les Alpes d’autres productions utilisant des roches tenaces alpines s. géogr. et il faut donc les questionner pour évaluer leurs points communs avec les productions de haches. Nous pensons en particulier, pour le Néolithique ancien et moyen, aux bracelets ; pour le Néolithique moyen et final, aux armatures de flèches en roches tenaces polies. Pour tenter de répondre à la problématique énoncée au départ, deux grandes questions complémentaires doivent être posées : identifier qui sont les producteurs de lames polies et déterminer la structure des circulations. En d’autres termes, il s’agit de discriminer les circulations de biens et les déplacements de personnes, la réponse n’étant pas dans une prise de position manichéenne et réductrice, mais dans la prise en compte de la complexité des solutions. Seule cette intégration permet de s’approcher le plus près possible de la problématique de départ qui est, rappelons-le, de déterminer le rôle structurant des productions de haches alpines dans le fonctionnement des sociétés néolithiques. Le concept d’échange en tant que mode de régulation des relations sociales (cf. p. 500-504) doit être développé et ses implications heuristiques explorées. C’est bien dans la recherche de la compréhension de cet ordre structurant que réside, croyons-nous, une des clés d’interprétation du devenir historique des sociétés néolithiques européennes.