3.1.1 Les massifs centraux

Les massifs centraux forment le double coeur géographique et géologique de la chaîne alpine : ils sont à la fois les plus élevés des Alpes occidentales et ceux où le métamorphisme puis la tectonique alpine ont joué le plus. La complexité structurale et pétrographique, produite par la surimposition de deux orogenèses (hercynienne puis alpine) sur des roches extrêmement diversifiées, jointe à l’action drastique des glaciers quaternaires, a généré des reliefs d’une grande diversité que nous ne décrirons pas en détail (carte 4). Selon que l’érosion les a plus ou moins disséqués, ils présentent soit une morphologie pleine, il s’agit alors de massifs unitaires tels le Queyras, l’Oisans, le Beaufortin, soit ils sont entaillés par de profondes vallées et c’est alors le creux qui donne l’unité : la Tarentaise, la Maurienne, le Val d’Aoste, le Briançonnais en sont des exemples connus. Leur morphologie est profondément conditionnée par les processus glaciaires ou post-glaciaires qui ont en particulier créé des zones d’accumulation derrière des barrages morainiques ou d’éboulements, formant des plaines d’altitude (plaines de Bessans, de Barcelonnette, de Bourg-d’Oisans). Une seconde caractéristique est la présence de verrous, zones de roches plus résistantes qui forment des ressauts de plusieurs centaines de mètres dans le profil en long des vallées, et constituent de véritables obstacles aux circulations humaines par la dénivelée abrupte et la présence de gorges difficiles à franchir. Des gorges ferment ainsi la sortie aval du Beaufortin, de la vallée de l’Ubaye, du Queyras ; le verrou de Modane-Aussois en Maurienne ou la corniche de Suse dans le Val Susa séparent hautes et basses vallées. Ces obstacles ont contribué à isoler les hautes terres des parties aval des bassins hydrographiques et à conférer à leurs habitants le sentiment d’une unité interne.

Du nord au sud, les principaux massifs sont les suivants (carte 4). Entre le Valais et le Val d’Aoste, la ligne de reliefs du Mont-Rose (4638 m)-Mont-Cervin (4478 m)-Grand-Combin (4314 m) forme un large massif continu. A l’ouest, les massifs du Mont-Blanc (4807 m)-Aiguilles Rouges-Dent du Midi (3257 m) constituent le toit de l’Europe. Plus au sud se rencontrent successivement la Vanoise et le Gran Paradiso (4061 m), Belledonne, le Pelvoux (les Ecrins), le massif du Mont-Viso (3841 m) et l’Argentera-Mercantour. La plupart des massifs centraux ont une ossature cristalline et métamorphique et constituent les domaines de la haute montagne, couronnés de glaciers importants.

Les grandes vallées et massifs adoucis sont au contraire les zones de polarisation des occupations humaines. Les principaux sont, dans le Valais, les vallées d’altitude qui entaillent les massifs : vallée de Zermatt, val d’Hérens, val de Bagnes. Sur le versant italien, les vallées sont une caractéristique du relief et se développent de l’ouest vers l’est : outre le Val d’Aoste et le Val Susa, les principales sont le Valtournenche dans le Val d’Aoste, le Val d’Orco et les vallées de Lanzo qui entaillent le Gran Paradiso, le Val Chisone, le Val Pellice, la haute vallée du Pô, les vallées de la Varaïta, de la Maïra et de la Stura di Demonte. Toutes ces vallées débouchent directement dans la haute plaine du bassin du Pô en Piémont, puisque les massifs internes constituent les seuls reliefs du versant italien des Alpes occidentales. Sur le versant français, les principaux massifs et vallées sont la haute vallée de l’Arve (Chamonix), le Beaufortin, la Tarentaise avec en axe second la vallée du doron de Bozel, la Maurienne, l’Oisans, le Champsaur, les reliefs du Briançonnais, le Queyras, la haute vallée de l’Ubaye (Barcelonnette).

La réalité est rendue plus complexe par l’existence d’un réseau de vallées secondaires qui segmentent les grands massifs et autorisent à subdiviser chacun d’entre eux en unités plus petites. L’ensemble constitue un réseau dense où alternent, parfois brusquement, vallées profondes, hauts reliefs et leurs termes intermédiaires.