3.2.2 Les points focaux du maillage de l’espace

Les voies naturelles de circulation sont articulées entre elles par des lieux qui sont autant de passage obligés des itinéraires. Les gués et les cluses joignent les contrées basses, tandis que les cols servent de lien à toutes les altitudes (carte 4).

3.2.2.1 Les gués

Les gués sont des hauts-fonds rocheux ou sableux qui permettent de traverser une rivière en gardant pied. Avant les endiguements et les barrages, tous les cours d’eau présentaient un plus grand étalement de leur lit mineur et majeur. Franchir l’eau n’était donc que le point d’orgue du passage du lit majeur du fleuve, avec le franchissement des ripisylves et des bras morts, appelés lônes dans la vallée du Rhône. Les gués sont aujourd’hui difficiles à retrouver, car ils ont été détruits ou submergés par les travaux de canalisation. La seule voie de recherche est donc l’examen des sources historiques. Une telle étude a été menée sur le Rhône (Cogoluenhe 1980). Sur cette base, une analyse spatiale croisée des gués historiques et des répartitions d’objets a été tentée pour le Néolithique en moyenne vallée du Rhône (Beeching, Brochier et alii 1989). Entre Vienne et Orange, deux zones de franchissement probablement utilisées au Néolithique ont été reconnues : dans le secteur confluence de Isère/Valence/Soyons où plusieurs gués historiques sont connus (carte 4, n° 40), et entre Montélimar et la confluence de l’Ardèche, peut-être près du gué de Bourg-Saint-Andéol ou du Banc Rouge (n° 41 ; comm. personnelle A. Beeching). Deux autres gués anciens et constants sont relevés : celui de Grigny au débouché du Gier au nord de Vienne (n° 38) et celui de Saint-Vallier dans le défilé de Tournon (n° 39). En complément des gués, d’autres points de franchissement aisé sont à noter. Sur le haut Rhône français, il s’agit des pertes du fleuve en amont de Bellegarde (n° 36) où l’on pouvait passer à pied sec, et le défilé de Pierre-Châtel dans le bas Bugey (n° 37) où les parois calcaires sont si proches qu’il n’est pas déraisonnable d’imaginer un point de franchissement aérien de type pont suspendu, techniquement réalisable au Néolithique. L’homogénéité des mobiliers du Néolithique moyen recueillis dans les grottes des deux rives et la présence d’une lamelle en obsidienne dans la grotte des Batteries-Basses, en rive droite, appuient cette hypothèse d’un point de franchissement du fleuve (Rey 1999, vol. 1 p. 37). De fait, la relation entre le point de franchissement et des concentrations de découvertes archéologiques n’est pas spécifique au Rhône : les prospections suivies en rivière de Saône mettent en évidence l’importance des gués durant la Protohistoire (Bonnamour 1990, 1997).

Le caractère obligé du passage guéable doit cependant être nuancé par le fait que la simple traversée d’une rive à l’autre en pirogue (principe du bac) est tout-à-fait envisageable. Gardons donc à l’esprit le fait que les gués ne sont pas les seuls points de franchissements possibles des rivières : ils sont cependant des points fixes et indépendants de moyens artificiels.