4.2 Le Néolithique ancien

La néolithisation de l’Italie du Nord, des Alpes occidentales et du bassin du Rhône est le fait du complexe culturel des céramiques à décor imprimé, qui imprègne le premier néolithique de l’ensemble de la Méditerranée occidentale, de l’Adriatique au Portugal, ainsi que le Maghreb (Bailloud et Mieg de Boofzheim 1955 ; Guilaine 1976, 1996b). Il s’agit, dans ses phases anciennes, d’une néolithisation intrusive en rupture économique avec le Mésolithique récent préexistant : d’emblée sont attestés la production céramique, l’élevage dans des proportions variables mais parfois fortes (surtout mouton, chèvre et boeuf, ainsi que porc et chien ; Poplin, Poulain et alii 1986) et la culture des céréales -blés, orge- et des légumineuses -gesses, pois- (Marinval 1987), dont le poids dans la diète ne semble pas très important30 (infra). Mais la néolithisation de la Méditerranée occidentale et des terres alpines est profondément polymorphe dès sa genèse et discontinue dans son extension géographique, et ne peut en aucun cas être assimilée à l’expansion colonisatrice de groupes humains progressant par vagues31. Le rôle joué dans le procès de néolithisation par les populations préexistantes, bien qu’encore mal compris, semble très variable d’une région à l’autre, et parfois fondamental. En Italie du Nord et dans le Sud-Est de la France, le Mésolithique récent Castelnovien est présent avant toute implantation néolithique en Méditerranée occidentale et est contemporain pour partie de la phase ancienne du Néolithique ancien (Binder 1987, 1989). Le Castelnovien est caractérisé par une industrie lithique taillée à débitage de lames régulières par pression, nécessitant des silex de bonnes qualités mécaniques32. Pour notre zone d’étude, les plus anciennes implantations de la Céramique imprimée, en Ligurie et en Provence orientale et centrale se font dans des zones où le Castelnovien n’est pas attesté (Binder et Courtin 1987).

Sur la base des décors et des formes, le Néolithique ancien à céramiques imprimées est classé selon des styles céramiques qui connaissent des croisements et des degrés de similitudes variés. Le système technique lithique, dans les cas documentés, partage des caractéristiques opposées au Castelnovien : le débitage laminaire, quand il est présent, est effectué par percussion indirecte, les lames assez robustes et régulières sont employées pour façonner des armatures de flèche géométriques, trapézoïdales ou triangulaires, par bitroncature inverse avec ou non retouches rasantes directes. La technique du microburin est absente (Binder 1987, pour le Cardial provençal ; Starnini et Voytek 1997a, pour l’Impressa des Arene Candide). Pour l’ensemble du cycle culturel, D. Binder propose une sériation en trois phases dont seules les deux dernières concernent le Néolithique alpin (Binder 1990a et b, 1995).

Notes
30.

La quantification de l’activité agricole se fait classiquement par l’étude des graines conservées dans les sites archéologiques et des outils supposés du travail des plantes : lames portant un lustre, outils de mouture. Pour les premiers, le lien entre lustre et coupe des céréales n’est pas acquis (Anderson 1992 ; Gassin 1996, p. 77-98) ; pour les seconds, d’autres usages sont possibles, comme l’écrasement de l’ocre attesté aux Arene Candide (Starnini et Voytek 1997b, fig. 15). Mais leur apparition avec le Néolithique dans les longues stratigraphies marque un probable changement économique (Courtin et Erroux 1974).

31.

Guilaine 1976 ; Binder et Courtin 1987 ; Binder 1989 ; Bagolini 1990a ; Beeching 1999b.

32.

Lames utilisées avec retouches sur les deux bords ou transformées en armatures géométriques trapézoïdales ou à piquant dièdre par troncature employant la technique du microburin puis retouches croisées abruptes et parfois retouches inverses rasantes (Binder 1987, 1989).