En Italie du Nord apparaît une culture majeure qui présente des traits en rupture avec les céramiques imprimées (Broglio 1973 ; Bagolini 1980). Définie d’après la forme des vases qui sont caractérisés par un fond plat et une ouverture quadrangulaire ou quadrilobée, la culture des Vasi a Bocca Quadrata (VBQ) créé une certaine unité culturelle sur l’ensemble de l’Italie du Nord, bien que les substrats régionaux soient impliqués dans sa formation et autorisent une forte variabilité (Bagolini 1998). Mais le partage d’une idéologie commune est suggéré par des traits spécifiques que sont les statuettes féminines et les pintadere d’affinités grecques et balkaniques, présentes dès les origines et durant toute la durée de ce complexe culturel (ibid. ; Bagolini 1980). Le VBQ a été divisé par B. Bagolini en trois styles de décors céramiques ayant pour partie une valeur géographique et chronologique (Bagolini, Barbacovi et Biagi 1979 ; Bagolini 1980). Le premier style (VBQ I, correspondant à la phase Finale-Quinzano de L. Barfield) est caractérisé par des décors gravés composant des motifs géométriques linéaires, d’où son nom. Le second style dit méandro-spiralé (VBQ II) emploie des décors ondulés (serpents, méandres, spirales) réalisés d’abord par gravure puis par excision et incision, types de décors dénotant une influence adriatico-balkanique (cultures de Danilo tardif et de Hvar ; Bagolini et Barfield 1991). Il est caractéristique du plein VBQ, où les décors gravés sont minoritaires (phase Rivoli-Chiozza de Barfield). Dans le troisième style, postérieur (VBQ III), les décors sont linéaires et réalisés par incision ou impression (phase Rivoli-Castelnuovo de Barfield). Seuls les deux premiers styles concernent le Néolithique moyen I et couvrent l’ensemble de l’Italie du Nord.
Le plus ancien VBQ attesté, de style géométrique-linéaire, est en Ligurie, région considérée comme formative, où les vases à embouchures quadrangulaires ou quadrilobées apparaissent très tôt dans la stratigraphie des Arene Candide (Tinè 1986, Maggi et Starnini 1997), en association avec les décors gravés en particulier sur des pieds annulaires, soit directement postérieur à l’occupation Impressa, soit après une phase sans VBQ mais avec décors gravés (phase Pollera)45. Au nord des Apennins, le VBQ I succède aux groupes du Neolitico antico padano dans la première moitié du Vème millénaire av. J.-C. Outre dans la céramique, la rupture se marque dans le lithique par l’apparition des armatures de flèche perçantes losangiques à retouches plates. Mais les transformations s’effectuent par intégration des groupes préexistants du Néolithique ancien. Autour du lac de Varese et dans le Tessin se forme un faciès VBQ-Isolino dans la tradition céramique et lithique du Néolithique ancien de type Isolino (Guerreschi 1976-77 ; Bagolini 1990-91). En Piémont, le VBQ I n’est bien attesté qu’à Alba et jalonne la diffusion ligure vers le nord via la vallée du Tanaro (Gambari, Venturino-Gambari et D’Errico 1992 ; Venturino-Gambari 1998). Il n’est pas attesté dans les vallées alpines occidentales. Lui succède, vers 4500 av. J.-C. au plus tard selon la stratigraphie des Arene Candide (Maggi et Chella 1999), le style méandro-spiralé (VBQ II), qui est implanté largement dans tous les types de milieux. En Piémont, les sites sont nombreux tant en plaine que dans les vallées alpines et leurs débouchés46. Le lithique taillé offre, outre des lames à lustré de faucilles, des armatures de flèches perçantes amygdaloïdes ou à pédoncule, à retouches plates (Venturino-Gambari 1998). A Castello di Annone, des flèches tranchantes suggèrent des rapports avec le Chasséen français (cf. infra). Le dynamisme du VBQ s’exprime par la présence de vases à ouverture quadrangulaire au-delà des bassins du Pô et de l’Adige, en Carinthie (Kanzianiberg ; Pedrotti 1990b) et dans le Valais (Baudais, Brunier et alii 1989-90) ainsi que, sous forme de probables transferts culturels, dans le bassin du Rhône, la bande centrale de la France et la Catalogne (Bazzanella 1997 ; Beeching 1999b ; cf. infra).
Les trois grandes stratigraphies ligures de référence pour le Néolithique ancien et moyen d’Italie du Nord (Arene Candide fouilles Bernabò Brea et Cardini -Maggi et Starnini 1997, Maggi et Chella 1999- ; Arene Candide fouilles Tinè -Tinè 1986- ; La Pollera fouilles Odetti -Odetti 1987, 1991) sont discordantes sur ces phases : à des occupations Impressa (couches 27 à 24 des fouilles Bernabò Brea, 15 et 14 des fouilles Tinè), succèdent dans les fouilles Tinè un niveau (couche 13) défini comme style Pollera, à rapprocher des couches 18 à 16 du site de La Pollera et des fouilles Bernabò Brea C24 à 22 selon Odetti 1991, C25 à 23 selon Tinè 1986. Mais selon Maggi et Starnini, ce niveau de style Pollera n’existe pas dans les fouilles Bernabò Brea où la première phase du Neolitico Medio est celle du VBQ I à décors gravés abondants, correspondant à la couche 12 des fouilles Tinè et à Pollera C15 à 8. Le VBQ II est concordant dans les trois stratigraphies : Bernabò Brea C17 à 15, Tinè C11 à 9, Pollera C7 à 1. De plus, les datations radiocarbones des fouilles Bernabò Brea et Tinè ne concordent pas : la C13 de Tinè serait contemporaine des niveaux Impressa supérieurs de Bernabò Brea, mais il semble que les datations des fouilles Bernabò Brea soient plus fiables, ce qui autorise une datation haute pour les premières manifestations du VBQ (Maggi et Chella 1999).
Aisone, Rocca di Cavour, San Valeriano à Borgone, Santa Maria à Pont Canavese, Montalto Dora (Cima 1990 ; Seglie, Ricchiardi et alii 1990 ; Bertone et Fozzatti 1998 ; Venturino-Gambari 1998).