4.3.1.2 Dans le Sud-Est de la France

En Provence, moyenne vallée du Rhône et Dauphiné, comme dans le Sud-Ouest de la France, le Néolithique moyen est marqué par la famille chasséenne dont la perception a profondément évolué depuis sa définition (Arnal, Bailloud et Riquet 1960, p. 75-126). Le Chasséen méridional, défini en particulier par le débitage laminaire du silex à la pression, n’est plus une culture monolithique (Collectif 1991) ni la seule composante du Néolithique moyen puisque qu’un horizon pré-chasséen est reconnu sous des formes variables selon les régions, associé aux décors gravés précités (Vaquer 1977 ; Beeching 1999b)47. Dans le bassin français du Rhône, un style céramique non chasséen, le Saint-Uze, occupe le Néolithique moyen I (Beeching, Nicod et alii 1997 ; groupe A de Beeching 1995a). Le Saint-Uze est caractérisé par des formes céramiques simples et hautes à préhensions variées, dont des anses en ruban, en continuité évolutive avec le Cardial récent (Beeching 1995a ; Beeching, Nicod et alii 1997). Le lithique taillé montre une semblable filiation (Beeching, comm. orale). Phylum stylistique et culturel plutôt que culture propre, le Saint-Uze est présent en moyenne vallée du Rhône durant toute la durée du NM I, et en particulier est contemporain du Chasséen ancien vrai qu’il précède quelque peu (groupe B de Beeching 1995a). Ce dernier, dont la genèse demeure obscure, a de fortes affinités italo-provençales avec des formes céramiques très segmentées assez basses et de rares préhensions (ibid.). En Provence, une phase ancienne du Chasséen est précisée par D. Binder sur la base de l’industrie lithique, caractérisée par un débitage de lames et lamelles à la pression relativement mal maîtrisé, des armatures de flèche perçantes losangiques longues, parfois avec amorce de pédoncule, à retouches bifaciales plates obtenues par pression, ainsi que de rares géométriques (Binder 1991). Dans les avant-pays savoyards48 et en Tarentaise49, la présence du style Saint-Uze a été récemment réévaluée face au Chasséen ancien plus discret (Rey 1999).

Le Saint-Uze, nettement implanté dans le bassin français du Rhône, est également présent au nord-est selon ses auteurs, qui lui rapprochent le Proto-Cortaillod de la grotte des Planches dans le Jura (Pétrequin, Chaix et alii 1985), une partie du mobilier du Vallon-des-Vaux à Chavannes-le-Chênes (à côté d’une composante chasséen ancien ; Sitterding 1972), ainsi que le site de Saint-Gervais à Genève (Honegger et Simon 1991) et, plus éloignés, les sites de Suisse centrale de la culture d’Egolzwil (Egolzwil 3, Zürich/Kleiner-Hafner). En Valais, le Néolithique moyen I connu au Château de la Soie à Savièse (couche 6 : May 1990 ; Baudais 1995b) ainsi que sur plusieurs sites de Sion (Sous-le-Scex, Tourbillon : Baudais, Brunier et alii 1989-90) peut être considéré comme du Saint-Uze (Beeching, Nicod et alii 1997), tandis que des céramiques attribuées au Chasséen sont attestées à Saint-Léonard/Grand Pré, avec un fragment de VBQ (David 1986 ; Baudais, Brunier et alii 1989-90). L’ensemble des dates disponibles placent le phylum Saint-Uze et les groupes affiliés de 4700 à 4000 av. J.-C., avec un décalage entre la moyenne vallée du Rhône où il apparaît tôt et se fond dans le Chasséen récent (cf. infra), et les régions plus nord-orientales où le Saint-Uze est daté plus tardivement.

Notes
47.

En Provence orientale, mentionnons les niveaux pré-chasséens de Fontbrégoua (couches 31 à 36 ; Courtin 1976a, c ; Echallier et Courtin 1994), le site de Giribaldi (Binder 1990a, c) ; dans le bassin de l’Aude, des correspondances sont à établir pour partie avec le style des Plots à Berriac et le groupe de Bize (Vaquer 1990b) ; dans les Pyrénées et en Catalogne, avec le groupe de Montbolo (Treinen-Claustre 1991).

48.

Chasséen ancien présent dans le défilé de Pierre-Châtel (Grande Gave et Seuil-des-Chèvres à La Balme) et dans la cluse de Chambéry (Francin) ; Saint-Uze attesté dans le défilé de Pierre-Châtel (Seuil-des-Chèvres, Virignin/Batteries Basses), à La Biolle/Grande Barme de Savigny (Beeching 1976), à Saint-Alban-Leysse/Saint-Saturnin, à la grotte des Sarradins (Rey 1999).

49.

Site de Bozel/Les Moulins-Chenêt de Pierre (fouille en cours P.-J. Rey).