4.3.2.2 Dans le Sud-Est de la France

Dans le bassin français du Rhône et en Provence, le NM II est le lieu de changements dans les groupes chasséens, tant dans la culture matérielle que dans l’organisation socio-économique. En vallée du Rhône, à partir de 4500-4300 av. J.-C., le Chasséen récent est dans un premier temps caractérisé par la multiplication des formes céramiques, des types de préhension et par l’abandon presque total des décors (Beeching 1995a). En parallèle, le lithique taillé devient de manière plus systématique associé aux silex blonds du Vaucluse et du Sud-Drôme, les supports lamellaires débités par pression après chauffe des petits nucleus plats et quadrangulaires atteignent une régularité maximale, tant en moyenne vallée du Rhône qu’en Provence (Binder 1991 ; Beeching et Brochier 1994). Dans les armatures de flèche, les géométriques semblent mieux attestés et de type différent (trapèzes à retouches abruptes) du Chasséen ancien, à côté d’armatures perçantes à retouches bifaciales évoluées, avec pédoncules et parfois ailerons (ibid.). En vallée du Rhône, deux pôles stylistiques sont identifiés sur la base des céramiques, pôles qui dénotent des influences extérieures contrastées mais aussi des points communs nombreux (Beeching 1995a). Le groupe C, en filiation avec le Chasséen ancien (groupe B) est représenté en particulier sur les sites de Montélimar/Gournier-Châteauneuf/La Roberte et de Saint-Paul-Trois-Châteaux/Les Moulins. Les formes céramiques, très basses et carénées, ainsi que la présence de fusaïoles décorées indiquent des liens privilégiés avec l’Italie du Nord, en particulier la culture de La Lagozza. Les céramiques du groupe D au contraire, héritières pour partie du Saint-Uze avec la présence en particulier de grands pots globuleux à col tronconique ou à profil concave, sont plus affiliées avec le nord et le nord-est, dans la sphère du Néolithique Moyen Bourguignon (NMB) et du Cortaillod (présence de mamelons doubles) et trouvent des comparaisons également avec La Lagozza et les sites chasséens ou VBQ du val de Suse piémontais précités (Chiomonte, San Valeriano). De 3900 à 3400 av. J.-C. prend place en vallée du Rhône une phase terminale du Chasséen (groupe E), caractérisée en particulier par la perte des décors céramiques, et bien représentée par les phases funéraires des grands sites rhodaniens précités (Beeching 1992).

Dans le haut bassin du Rhône français et en Savoie, la situation est moins bien comprise, faute de fouilles bien documentées. Seule la séquence de la grotte du Gardon à Ambérieu, en cours d’étude, permet d’observer une succession chronologique avec une phase Saint-Uze dite récente (couches 50 à 48) puis au tournant du IVème millénaire av. J.-C. un Chasséen récent (C47 à 43) surmonté de niveaux rapprochés du NMB (C42 à 40 ; Nicod 1995 ; Voruz 1996). En Savoie, un Chasséen récent à affinités marquées avec la moyenne vallée du Rhône et dans une moindre mesure avec La Lagozza est attesté dans les avant-pays (défilé de Pierre-Châtel, Saint-Saturnin), avec un apport NMB qui serait plus récent (Rey 1999, p. 48-50). Mais les séries, anciennes et sans contexte, ne permettent guère d’aller au-delà du constat chrono-typologique. L’occupation des vallées internes est incontestable mais demeure encore très mal caractérisée (Rey et Thirault 1999).

Le Bugey et la Savoie sont donc touchés par plusieurs courants culturels, le Saint-Uze, le Chasséen, le NMB bien représenté dans le Jura et en Bourgogne orientale (Pétrequin et Gallay éd. 1984 ; Pétrequin dir. 1989) et le Cortaillod, culture centrée sur la Suisse occidentale (Gonzenbach 1949 ; Schifferdecker 1979, 1982 ; Voruz 1991a). L’opposition territoriale naguère évoquée entre Cortaillod et Chasséen (Bocquet 1976g, 1997) est aujourd’hui nuancée par la reconnaissance des influences réciproques et des gradations culturelles et chronologiques existants entre les deux cultures au sein du complexe Cortaillod-Chassey-Lagozza (Gallay 1977). La place et l’originalité de la Savoie dans cette gradation demeurent à établir, mais sont perceptibles par l’exemple des occupations lacustres. Sur la rive méridionale du Léman, un Cortaillod classique assez ancien est bien documenté à Corsier/Port (abattages de pieux de 3859 à 3856 av. J.-C. ; Corboud et Seppey 1991). Sur le lac d’Annecy, le site de Saint-Jorioz/Les Marais s’inscrit dans le Cortaillod classique (abattages en 3783-82 av. J.-C.), tandis qu’à Saint-Pierre-de-Curtille/Hautecombe sur le lac du Bourget (abattages en 3842 et vers 3835 av. J.-C.), le mobilier présente des composantes Cortaillod, NMB et chasséennes (Marguet 1995). Le Cortaillod représente également le Néolithique moyen II du Valais, connu par des habitats et des nécropoles, surtout en Valais central (Baudais, Brunier et alii 1989-90). Mais dans cette vallée alpine se développent des faciès propres : le Cortaillod type Petit-Chasseur et type Saint-Léonard. Ce dernier, aux décors céramiques abondants, est le mieux connu grâce aux fouilles de M.-R. Sauter sur le site éponyme et à Rarogne/Heidnischbühl. Le style céramique montre des affinités avec La Lagozza implantée dans le Tessin et en Lombardie (cf. supra ; David 1986 ; Baudais, Brunier et alii 1989-90).