4.4.5 Relations transalpines

Durant le Néolithique final, les Alpes ne semblent plus constituer une barrière aux mouvements des hommes, et la question des relations transalpines doit être reformulée. L’existence d’un véritable peuplement, dans la suite des occupations antérieures encore très mal documentées, permet de s’interroger sur l’autonomie culturelle alpine (cf. chapitre 8). Du point de vue des mouvements transalpins et des points communs aux deux versants des Alpes occidentales, les relations transalpines sont documentées sur la base des affinités dans la culture matérielle, avec la large diffusion de goûts par exemple pour le décor métopal sur les céramiques, dans le Remedello phase récente et dans le Fontbouïsse, ou pour les pièces en silex à retouches plates couvrantes bifaciales. Sur un plan plus idéologique, les rites funéraires témoignent de communautés de pensées au-delà des variations régionales, attestées par la pratique répandue des inhumations collectives où les rites funéraires sont liés aux cultes de personnes (ancêtres ?) matérialisés, dans les sépultures elle-même ou en-dehors, par le développement des stèles et des représentations anthropomorphes rupestres60. La distinction des individus (des hommes) par les armes constitue également un trait commun qui s’exprime de manières variables selon les régions : «poignards» en cuivre ou en silex déposés dans les sépultures individuelles du Remedello et de Spilamberto, représentations de ces mêmes poignards sur les stèles et les gravures rupestres (Barfield 1986), abondance de types dérivés ou imités dans les sites d’habitat des bords de lacs (Bocquet 1974) et les sépultures collectives du bassin du Rhône (Bocquet 1969 ; Sauzade 1983). Bien que les circulations de matériaux connaissent un repli caractérisé sur des réseaux régionaux (Beeching 1986 ; Gutherz et Jallot 1995 ; D’Anna 1995), les production de grandes lames de silex destinées entre autre à la réalisation des «poignards» connaît un vrai développement : les ateliers du Grand-Pressigny (Mallet 1992), de la vallée du Largue près de Forcalquier (Renault 1998), de Vassieux-en-Vercors (Riche 1999a) diffusent leurs productions sur le versant occidental des Alpes (Bocquet, Bouchez et Mallet 1983 ; Mallet et Ramseyer 1991 ; Riche 1999b). De plus, les influences de la métallurgie du Remedello sont manifestes par les types imités (poignards en silex à dos poli et/ou retouches plates en vallée du Rhône ; Beeching 1986). Les pointes de flèche connaissent de semblables jeux d’influences à grande échelle, à l’exemple du type dit de Sigottier, dont la répartition strictement funéraire est centrée sur les reliefs du Diois et des Baronnies, mais qui dénote des influences de certains types de flèches d’Italie du Nord (Durand 1999).

Du point de vue des spécificités alpines, les convergences architecturales, iconographiques et rituelles entre les nécropoles de Saint-Martin-de-Corléans dans le Val d’Aoste et du Petit-Chasseur à Sion dans le Valais ont été relevées depuis longtemps. Le mobilier des trois sépultures de Fontaine-le-Puits en Tarentaise démontre la puissance des influences Remedello jusque dans les Alpes savoyardes, mais également l’intégration de ces influences à des composantes régionales (Rey 1999, vol. 3 p. 310-343). Afin de formaliser les points communs relevés dans les sites archéologiques des vallées internes des Alpes franco-italiennes, A. Bertone a proposé de reconnaître un groupe culturel autonome, dit D.C.A. (Dora-Chisone-Arc ; Bertone 1990a et b, 1992 ; Bertone et Fozzati 1998). Mais faute de données de fouilles publiées, hormis sur le site de Roreto/Balm’Chanto (Nisbet et Biagi dir. 1987), cette proposition demeure encore peu documentée et de fait, tant à Balm’Chanto qu’aux Balmes de Sollières, l’ouverture aux influences de l’ouest et de l’est des reliefs alpins est manifeste. Le travail de compréhension d’une hypothétique identité culturelle demeure encore largement ouvert dans les Alpes occidentales.

Notes
60.

Casini, De Marinis et Pedrotti dir. 1995 ; Bazzanella et Marchi 1995 ; Burri et Marchi 1995.