1.2 Les groupes pétrographiques

1.2.1 Les éclogites

1.2.1.1 Définition

Les éclogites sont des roches basiques métamorphisées lors de la subduction de la croûte océanique préexistante aux Alpes sous des conditions de haute pression (15 Kbars) et de basse température (entre 450 et 550°), abrégées en HP/BT, faciès métamorphique dit éclogitique. Ce sont des roches alpines s. géol. hautement transformées et peu rétromorphosées. Elles conservent donc les caractéristiques acquises lors de leur recristallisation. De point de vue pétrographique, trois types de roches sont concernés : les éclogites sensu stricto, les omphacitites et les jadéitites à grenat (cf. supra).

Les éclogites de HP/BT sont constituées par l’association d’un clinopyroxène sodique, omphacite le plus souvent mais parfois aussi jadéite, et de grenat dans des proportions variables. Leurs couleurs varient du vert au noir, parfois teinté de bleu, avec tous les intermédiaires possibles. Les textures identifiées à l’oeil sont le plus souvent massives (fig. 6) ; des linéations ou des litages apparaissent parfois. En lame mince cependant, les éclogites montrent en général des rubanements ou des foliations, parfois des linéations, avec individualisation de lits de grenats, de pyroxènes ou de minéraux opaques. Le grain de la roche est le plus souvent fin à très fin, parfois avec quelques éléments plus gros (porphyroblastes), mais certains lits ou minéraux, de grenats par exemple, peuvent atteindre des tailles pluri-millimétriques. Les minéraux accessoires déterminés en lame mince sont le rutile, des minéraux opaques, et parfois la pistacite ou la clinozoïsite, la chlorite, la phengite, le quartz, la calcite. Les traces de rétromorphose sont rares72. L’analyse diffractométrique des pyroxènes montre la présence de plusieurs populations de composition chimique différente ou de pyroxènes intermédiaires : les termes purs sont l’omphacite, l’ægyrine, la natalyite et le kosmochlore73.

Figure 6. Tableau d’effectifs des textures des éclogites, d’après l’examen oculaire (oeil nu et/ou loupe binoculaire). Échantillonnage aléatoire effectué dans le corpus des objets étudiés.
texture
litage/linéation schisteuse grain invisible grain fin grain grossier total %
non 0 19 376 39 434 88,4
horizontal 2 2 35 3 42 8,6
vertical 0 0 6 0 6 1,2
45° 0 0 6 0 6 1,2
tourbillons 0 0 3 0 3 0,6
total 2 21 426 42 491 100
% 0,4 4,3 86,8 8,5 100

Les omphacitites sont des roches métamorphiques presque monominérales de composition basique proches des éclogites mais qui se distinguent par l’absence ou l’extrême rareté du grenat. Le clinopyroxène sodique de type omphacite domine la composition et donne une teinte souvent vert sombre à noir. En lame mince, la roche peut être massive ou présenter une orientation planaire ou linéaire, avec parfois une tendance à la texture sphérolitique. Les zonations parfois visibles sur le clinopyroxène dénotent un changement de composition chimique qui pourrait se traduire par la succession de deux types de pyroxènes. Les rares minéraux accessoires visibles en lame mince et aux RX sont des grenats parfois creux, des minéraux opaques, la pistacite, le rutile, la phengite, le quartz, le clinochlore, la phlogopite, la magnésite, la calcite, la dolomite et la hoegbomite. Les preuves de rétromorphose sont rares74. Les examens aux RX montrent que les clinopyroxènes sont identiques à ceux des éclogites s.s. Les rares jadéitites à grenat sont en tous points comparables aux jadéitites vraies (cf. infra), à ceci près qu’elles présentent de petites quantités de grenats.

L’analyse pétrographique et minéralogique montre que les éclogites s.s. et les omphacitites sont très proches et que l’on passe sans solution de continuité de l’une à l’autre roche. Il s’agit de roches parfaitement identiques à celles décrites par M. Ricq-de Bouard et les géologiques italiens ayant travaillé sur le mobilier d’Italie du Nord, qui correspondent à l’appellation d’éclogite sensu lato proposée un temps (Ricq-de Bouard, Compagnoni et alii 1990 ; Ricq-de Bouard 1996). D’une manière générale, le groupe des éclogites réunit des roches à grain fin (près de neuf sur dix ; fig. 6), d’apparence massive (près de neuf cas sur dix) mais souvent microlitées ou orientées au microscope. Quand l’orientation est perceptible à l’oeil, elle est dans trois cas sur quatre placée dans le plan des faces de la lame polie, les rares autres cas étant perpendiculaire ou à 45° par rapport au plan des faces. Les trois quarts des éclogites sont d’apparence massive et à grain fin, ce qui est conforme aux descriptions de M. Ricq-de Bouard et permet de s’interroger, à la suite de cet auteur, sur une sélection par l’homme des faciès de roches au sein des affleurements, lesquels présentent une plus grande diversité texturale et structurale (Ricq-de Bouard, Compagnoni et alii 1990).

Notes
72.

Symplectites post-omphacite, amphiboles vertes de rétromorphose, sphène. Le glaucophane de rétromorphose est très rare ; il précède une amphibole verte banale de plus basse pression type actinote.

73.

La présence de plusieurs pyroxènes peut correspondre à la réalité de la roche, ou peut être due à un artefact d’analyse : le diffractomètre interprète les spectres X selon une banque de données qui ne comporte que les termes purs des minéraux. Quand un minéral de composition intermédiaire entre plusieurs autres est touché, la machine propose les minéraux purs correspondants.

74.

Symplectites de déstabilisation du pyroxène ou présence de glaucophane ou de sphène. Aux RX, la rétromorphose est parfois marquée par la présence de deux pyroxènes calciques (le diopside et la bustamite), de la ferro-actinolite (une amphibole verte), du glaucophane et de l’albite.