2.1 Les éclogites

2.1.1 Observations générales

Les éclogites sont de loin les plus représentées dans les lames de hache des Alpes occidentales et du bassin du Rhône (cartes 12 et 13). Il est présent dans tous les cantons où plus de 10 lames polies sont identifiées, et dans la plupart des autres. Nous sommes donc en présence du principal mouvement de roches tenaces concernant les lames de hache, et, au vu de la géographie des affleurements autochtones (carte 11), la démonstration de circulations de matières à grandes distances est établie d’emblée. Les éclogites originaires du haut Valais, des Alpes piémontaises et/ou de Ligurie ont donc traversé l’ensemble des Alpes occidentales et des avant-pays rhodaniens, soit des déplacements de l’ordre de 200 kilomètres à vol d’oiseau pour gagner la moyenne vallée du Rhône si l’on considère les affleurements les plus proches dans les Alpes piémontaises. De plus, les éclogites représentent au moins la moitié des lames polies de chaque point, que ce soit en Piémont, dans le bassin de rive gauche du Rhône français, le Bugey, la Dombes et la Bresse, et la rive droite du Rhône dans l’axe de la vallée. Dans les cas où le pourcentage des roches indéterminées est faible, le taux peut même dépasser 90 % (cantons de Die et de Crest par exemple) et approche souvent les trois quarts de l’effectif (cantons de la Drôme et du bassin du Buëch, de Saint-Vallier, de Saint-Alban-Leysse, de Lanslebourg, de Reyrieux, etc.).

Le fait remarquable est que cette domination des éclogites s’effectue de part et d’autre des Alpes internes et est nette jusque dans l’axe de la moyenne vallée du Rhône, rive droite comprise. Les effectifs des cantons de Saint-Péray, de Bourg-Saint-Andéol et de manière moins assurée de Vivier et de Rochemaure comprennent environ pour moitié des éclogites, tandis que leur vis-à-vis en rive gauche (Saint-Vallier, Marsanne, Montélimar, Pierrelatte) ont des taux d’éclogites plus forts, comparables à ceux des reliefs drômois et des régions plus orientales. Le Rhône marque donc un effet de seuil plus que de frontière, et la présence de gués prend ici son sens : au-delà, les éclogites restent dominantes mais s’équilibrent avec d’autres roches, preuve du passage du fleuve mais aussi de son rôle de filtre. Plus à l’ouest, les taux s’inversent et en Bas Vivarais, le taux d’éclogites chute rapidement (à peine 25 % à Vallon-Pont-d’Arc). A contrario, il semble que le Rhône ne joue pas cet effet-seuil en amont de Lyon. Bien que les données soient moins nombreuses, les éclogites représentent près des trois quarts des effectifs pour les cantons les mieux fournis de la Dombes et de la Bresse (Saint-Triviers-de-Courtes, Reyrieux). L’importance des passages sur le haut Rhône est indéniable, même si les effectifs en présence sont faibles : à hauteur de Bellegarde, du défilé de Pierre-Châtel et sur le plateau de Crémieu, les éclogites sont prépondérantes. Nous avons souligné plus haut (p. 65) la facilité de passage pour les deux premiers points. Dans cette région, il est possible que le rôle de seuil soit joué par la Saône, mais nos études en rive droite ne sont pas systématiques et nous ne pouvons être affirmatif sur ce point. Nous avons néanmoins relevé la présence de lames polies en éclogite sur toute la vallée de la Saône au moins jusque dans la région de Chalon-sur-Saône90.

Trois types d’exceptions à ce schéma doivent être relevés. Le premier est aléatoire et concerne les points où la proportion des indéterminés est fort : le pourcentage d’éclogites s’en ressent (Vienne, Morestel). Le deuxième concerne le Valais et le bassin du lac Léman : dans le premier cas, les éclogites représentent moins du quart des roches employées, dans le deuxième, moins de la moitié. Ces deux régions connaissent des productions importantes sur d’autres roches (cf. infra). Le troisième type est plus difficile à expliquer. Il s’agit des rares cantons où le pourcentage d’éclogites est faible, voire nul. Le cas de Nantua est particulier car il retranscrit la situation de l’unique site documenté, celui de Géovreissiat (n° 717-1). Les autres cas sont inexplicables autrement que par les aléas de l’échantillonnage sur de petites séries (Valence, Morestel).

Notes
90.

Collections des musées archéologiques de Mâcon, de Chalon-sur-Saône et de Dijon.