2.2 Les jadéitites

Nous avons distingué deux types de jadéitites : les pyroxénites où le minéral jadéite est dominant, démontré par l’analyse de laboratoire (surtout RX), que nous appelons jadéitites vraies, et les pyroxénites dont l’observation à l’oeil nu donne à penser que la jadéite y est dominante. L’origine des jadéitites est liée à la géographie des méta-ophiolites alpines des faciès schiste bleu et éclogitique (carte 11).

La carte de répartition des lames de hache en jadéitite vraie ou probable montre l’existence de deux régions distinctes où les jadéitites sont présentes dans le bassin français du Rhône (cartes 12 et 14) : d’une part, une présence dense dans la moyenne vallée de la Durance, le bassin du Buëch, les Préalpes drômoises, la moyenne vallée du Rhône en aval de Valence et la basse Ardèche ; d’autre part, une présence indubitable mais sporadique dans les vallées internes des Alpes, autour du lac d’Annecy, sur la rive sud du Léman et sur le haut Rhône français95. Bien que des points isolés tant en Piémont que dans la vallée du Rhône entre Lyon et Valence indiquent des circulations de jadéitites assez générales, les deux concentrations précitées pourraient être mises en relation avec deux des axes de circulations des éclogites définis plus haut. Deux faits d’ordre minéralogique vont dans ce sens. Les trois cas reconnus de jadéitite contenant du rutile, minéral commun dans les éclogites et les omphacitites alpines, sont placés sur le lac d’Annecy et le Léman. Pour le deuxième groupe de découvertes, les trois cas identifiés de jadéitites à grenats (que nous avons placées dans les éclogites) sont concentrés dans les Préalpes du Sud. Rutile et grenat pourraient être dans ce cas des éléments marqueurs de zones de circulations différentes, et une explication commune pourrait être avancée : les jadéitites et les éclogites (où le rutile et le grenat sont fréquents) circulent ensemble depuis le bassin du Pô. Néanmoins, cette interprétation n’épuise pas l’éventail des possibilités : les minéraux marqueurs ne sont identifiés que dans un cas sur trois pour les objets analysés en laboratoire, et nous ne pouvons affirmer que toutes les jadéitites ont des provenances et des modes de circulation identiques à ceux des éclogites. Pour la concentration savoyarde, cette objection est invérifiable à ce stade de la démonstration. Mais pour la concentration méridionale, force est de constater qu’elle se surimpose à la zone de circulation des glaucophanites (carte 13 et infra). M. Ricq-de Bouard a la première étudié la possibilité de provenances et de circulations conjointes, mais le problème vient du fait que la jadéitite n’a jamais été trouvée dans les alluvions de la basse Durance qui sont reconnues être les sources d’approvisionnement des glaucophanites pour la Provence, et que les jadéitites ne sont pas plus abondantes dans l’outillage poli de basse Durance où l’emploi des glaucophanites issues de la zone externe est le plus intense (Ricq-de Bouard, Compagnoni et alii 1990 ; cf. infra). De ce fait, cet auteur propose d’associer l’origine et la diffusion des jadéitites à celle des éclogites liguro-piémontaises.

Notes
95.

En dressant le bilan des analyses de laboratoire réalisées dans le cadre du programme CIRCALP, nous avons décelé une concentration notable de jadéitites en Haute-Savoie (Thirault, Santallier et Véra 1999, p. 277). Le fait est à nuancer par la prise en compte de tous les objets, mais il est vrai qu’une distinction entre les éclogites et les jadéitites apparait dans cette région (cf. plus haut la discussion sur les couleurs des éclogites).