2.8.1 La répartition géographique des groupes pétrographiques

L’ordonnancement qui se dessine, pour l’instant sans aucune considération chronologique, peut être décrit ainsi (carte 18) :

  • les éclogites sont mises en oeuvre dans toutes les régions d’affleurement des Apennins et des Alpes occidentales : Ligurie, Alpes piémontaises, val d’Aoste et peut-être Valais. Sur le versant occidental des Alpes (bassin du Rhône), les productions diffusent largement selon des bandes de circulations qui suivent la courbure de l’arc alpin. Les limites entre les courants ligure, du Sud Piémont et du Nord Piémont peuvent être tracées avec une bonne approximation. Il est en outre possible que le courant Nord Piémont doive être séparé en deux. A l’ouest, le couloir Saône-Rhône marque la limite de prépondérance de ces roches, mais il est plus un filtre qu’un obstacle aux circulations : au-delà, au moins dans la moyenne vallée du Rhône, les éclogites représentent environ la moitié des objets ; plus à l’ouest, les taux chutent vite. Plus au nord, il n’est pas possible à l’heure actuelle de décider si les éclogites employées sur le Plateau suisse et dans le Jura doivent ou non être liées aux productions rencontrées en Valais, l’existence de sites de production sur éclogites dans cette dernière région n’étant pas documentée (carte 24 ; cf. chapitre 3). Quoi qu’il en soit, il semble s’agir d’un courant de diffusion indépendant de celui qui irrigue la Haute-Savoie. Les jadéitites semblent accompagner les différents mouvements des éclogites.

  • Dans la basse vallée de la Durance et la Crau, les productions sur galets de glaucophanites sont diffusées sur des distances maximales de l’ordre d’une centaine de kilomètres vers le nord, le nord-ouest et l’est, mais peu vers le nord-est.

  • En basse Ardèche, amphibolites, basaltes, gneiss et diverses roches locales constituent des productions d’intérêt local ou régional de circulations inférieures à 50 km (Ricq-de Bouard, Deiss et Prud’homme 1998).

  • Les fibrolites des hautes terres orientales du Massif Central diffusent peu vers l’est, les rares exemplaires étant surtout cantonnés à la basse Ardèche et à la moyenne vallée du Rhône, dans l’emprise du courant des éclogites du Sud Piémont et du Nord Piémont.

  • Les actinolites de Bourgogne sud-orientale sont cantonnées à la rive droite de la Saône, la rivière jouant un rôle de limite sans doute perméable puisque deux exemplaires, en l’état actuel des connaissances, sont recensés en Dombes, sous réserve d’analyses.

  • La Haute-Savoie présente un cas plus complexe avec en particulier les rives sud du Léman où la diversité de roches employées est grande : métabasites épi-et mésozonales, ultrabasites et éclogites d’aspect particulier (ECLOa) forment un spectre d’approvisionnement large en contraste avec les régions plus méridionales, qui trouve son pendant sur le Plateau suisse. Le cas des habitats de la baie d’Auvernier est particulièrement éclairant avec le recours à une dizaine de roches tenaces différentes (Buret et Ricq-de Bouard 1982). A l’image du Plateau suisse, l’idée d’approvisionnement en moraines est à retenir pour le bassin du Léman. Il est possible mais non démontré que le Léman constitue une zone de productions diffusées en direction du Bugey et dans les avant-pays savoyards, sur le lac d’Annecy en particulier. Mais l’importance des dépôts morainiques dans ces régions ne permet pas d’être affirmatif à ce stade de l’étude.

  • Le Valais se singularise par l’emploi d’une roche spécifique dite «valaisanne» et d’éclogites plutôt sombres. Cette entité géographique très individualisée forme ainsi un ensemble original sans grands contacts avec la Haute-Savoie et le Léman : les massifs du Mont-Blanc/Aiguilles Rouges/Dent-du-Midi jouent peut-être dans ce cas un rôle de borne-frontière.

  • Les métapélites vosgiennes ne dépassent pas, pour les rares exemplaires les plus méridionaux, le bassin du Léman et le Bugey, c’est-à-dire sur la frange septentrionale des diffusions des éclogites du Nord Piémont, à environ 200 km des sources de Plancher-les-Mines.

  • Les lames de hache en silex sont plus difficiles à replacer dans ce contexte, car plusieurs productions peuvent coexister. Néanmoins, les lames de hache taillées peut-être liées au type de Glis-Weisweil ne franchissent guère, au sud, la limite entre diffusions des éclogites du Nord Piémont et du Sud Piémont.