3.1.3 Qualités techniques et usage

L’usage des lames de hache classiquement décrit en percussion lancée nécessite l’emploi de roches extrêmement résistantes aux chocs, c’est-à-dire des roches tenaces. Dans notre corpus, seuls les ultrabasites et les roches «valaisannes» sont de ténacité faible à forte. Leur emploi dénote donc un choix humain explicable en termes de fonctionnalité (ces lames polies ne travaillent pas en percussion lancée, ou subissent des chocs moindres) ou autres à déterminer. En effet, sur le Plateau suisse l’emploi des serpentinites est une constante. Pour les éclogites, les glaucophanites, les matabasites épi- et mésozonales, de même que pour les cataclasites et les fibrolites, les ténacités sont d’autant plus fortes que le grain de la roche est fin. Le déterminisme de l’emploi de telle ou telle de ces roches peut être lié à leur dureté, qui connaissent des variations faibles d’un groupe à l’autre mais probablement identifiables par des tests empiriques répétés. Mais là encore, la logique déterministe est battue en brèche : bien que les éclogites rétromorphosées en métabasites mésozonales soient aussi dures que les éclogites fraîches, la préférence va de manière quasi-absolue aux secondes.

Pour le grain de la roche, le choix est clair pour les éclogites qui constituent la grande majorité du corpus. Alors que sur les gîtes autochtones primaires (affleurements en place) ou secondaires (blocs d’éboulis ou de moraines peu déplacés), les faciès à grain grossier dominent, l’inverse se produit dans l’outillage poli (fig. 6 ; Ricq-de Bouard, Fedele et alii 1990, p. 133). Les auteurs cités interprètent ce fait comme une preuve d’approvisionnement en alluvions, les éclogites à grains fins, plus tenaces, étant plus résistantes à l’érosion et donc devenant de plus en plus fréquentes au fur et à mesure de leur transport vers l’aval. Il nous semble que cet argument doive être retourné en faveur des hommes : si les grains fins sont dans neuf cas sur dix utilisés comme matériaux, cela indique une sélection délibérée de la part des hommes sur ou à proximité des affleurements. La reconnaissance empirique par tests de la ténacité supérieure des roches à grain fin sur celles à grain plus gros (pour des duretés équivalentes car de composition minéralogique identique), puis l’exploitation délibérée de ces faciès fins, est une hypothèse plausible. La démonstration d’une sélection très poussée des roches de la part des Néolithiques a été effectuée en particulier pour les métapélites de Plancher-les-Mines et les cinérites de Réquista, qui sont chacune de véritables curiosités géologiques au sein de leurs formations respectives (roches volcano-sédimentaires enrichies en silice ; Rossy in Pétrequin et Jeunesse dir. 1995, p. 29-31 ; Servelle 1993). De même au sein des affleurements de métadolérites de Plussulien, seuls les secteurs correspondant aux faciès les plus fins présentant les qualités mécaniques de résistance les plus fortes ont été exploités (Le Roux 1999, p. 13-17 et p. 36-37).