L’étude de la production des lames polies tire parti de deux approches éprouvées pour l’analyse des industries lithiques : la technologie et la morphologie/morphométrie. Du plus général au plus spécifique à notre corpus, quatre caractéristiques techniques des lames polies conditionnent la méthode d’étude :
point commun avec toute industrie lithique, le travail des roches tenaces s’effectue par enlèvement de matière. De ce fait, chaque étape de transformation tend à effacer les stigmates de l’étape antérieure.
Point commun à toutes les roches tenaces, l’emploi successif des quatre techniques de travail, la taille, le sciage, le bouchardage et le polissage, provoque l’oblitération fréquente des deux premières par les deux dernières qui sont largement employées pour la mise en forme. La reconnaissance de la taille et du sciage n’est pleinement assurée que sur des lames de hache abandonnées en cours de travail, mais dont l’aspect définitif n’est de ce fait pas connu avec précision.
Le recyclage fréquent des lames polies cassées durant l’usage entraîne des modifications de formes et de proportions parfois difficiles à percevoir où la chronologie des interventions (premier façonnage/refaçonnage) peut être indiscernable.
Pour notre corpus, l’abandon le plus fréquent des lames polies aux stades achevés ou recyclés fournit des référentiels fiables pour les dernières étapes de leur fabrication et pour leur morphologie. Mais en l’état actuel des recherches, peu de données sont disponibles sur les premières étapes du travail, de l’extraction de la roche à l’obtention des supports, faute de sites afférents.
Pour aborder l’étude technologique et morphologique des lames polies, il est nécessaire de sélectionner au préalable les objets aptes à répondre aux questions posées. De ce fait, chaque objet est dans un premier temps considéré pour lui-même, et étudié en fonction des informations qu’il fournit sur l’une ou l’autre étape des processus de fabrication ou sur les formes achevées. Rappelons en effet qu’aucun site, à notre connaissance, n’a fourni de lieu de travail des roches tenaces conservé in situ, dont les relations entre les objets seraient connues par remontages ou données stratigraphiques. Nous ne disposons, sauf exceptions, que de sites anciennement explorés dont les séries conservées montrent le travail des roches tenaces, sans aucune distinction chronologique possible a priori. Chaque lame de hache est donc étudiée comme un tout, résultat de l’emploi combiné de différentes techniques, avant de tenter des corrélations entre objets montrant des processus de fabrication proches ou identiques, afin de tenter de mettre en évidence les grands choix techniques face à la matière, reflets des chaînes opératoires de fabrication. Le plan d’étude suit les principes méthodologiques présentés p. 47-50. Les processus techniques mis en oeuvre pour chaque lame polie peuvent être divisés en deux phases :
la fabrication de la lame polie, objet central de ce chapitre,
son usage, qui peut entraîner des incidents ou accidents nécessitant des reprises de façonnage ; si la cassure est trop importante, la pièce peut être considérée comme un bloc-matrice ou un support et être à nouveau entièrement refaçonnée. De tels objets, quand ils sont identifiés, sont distingués mais néanmoins intégrés à ce chapitre sous l’angle des processus techniques qui sont très proches de ceux employés pour la fabrication première108.
Les techniques de fabrication des lames polies produites dans la zone de notre étude, d’abord étudiées dans leur totalité sont groupées deux par deux, correspondant aux deux grandes phases de la réalisation de la lame polie. Une première phase concerne l’acquisition du bloc-matrice (le bloc de roche pris en main), la confection du support par taille ou sciage (bloc débité, éclat, galet entier, éclat de galet) puis la réalisation d’une ébauche par taille ou sciage. Ces deux techniques sont en effet proches dans leur action de réduction importante et rapide de la matière lors de la phase de préparation de l’ébauche. La distinction entre taille de débitage, de façonnage voire de retouche n’étant pas toujours aisée, l’étude conjointe de l’ensemble du processus s’impose. La seconde étape est la mise en forme de la lame de hache, par bouchardage et/ou polissage, techniques complémentaires ou exclusives, successives ou récurrentes, et la réalisation du tranchant. Les outils de moyen (percutants pour tailler et boucharder, polissoirs) font l’objet d’une présentation séparée placée en tête. Sur cette base, il est ensuite possible de proposer l’existence de processus techniques distincts combinant plusieurs techniques de transformation, et d’étudier les formes des objets achevés. L’analyse des sites archéologiques où des étapes de fabrication sont attestées est ensuite entreprise avant de tenter une synthèse des données acquises.
Le remploi des lames polies cassées à l’usage est étudié dans le chapitre 6.