1.1.2.1 Description

De grands polissoirs fixes sont signalés dans trois régions : les Alpes internes, les avant-pays savoyards et en basse Ardèche (carte 23). Dans les massifs internes des Alpes, nous avons recensé cinq mentions de polissoirs sur de gros blocs ou affleurements. Dans le val d’Aoste, vers 900 m d’altitude sur un flanc de versant de la basse vallée d’accès au col du Grand-Saint-Bernard, à Excenex, un grand rocher en grès présente sur une face une série de profondes incisions verticales (n° 902 ; Mezzena 1981, p. 21, et comm. orale). A Losone de San Giacomo près d’Ussèglio, à 1250 m d’altitude dans une des vallées de Lanzo (n° 931-1), une dalle porte une quarantaine de cupules, des gravures diverses et 5 rainures de polissage groupées, dont la plus grande atteint 50 cm de long (pl. 177 ; Alessio, Ricchiardi et Seglie 1987, p. 85-87). A Camparnaldo près de Caprie dans la basse vallée de la Dora Riparia (Val de Suse ; n° 930-1), une roche porte 13 cupules et de nombreuses rainures isolées ou groupées par 3 ou 4 parallèles. Elles sont étroites, à section en V et de faibles dimensions : 10 à 16 cm de long pour 0,5 à 1,2 cm de large (Santacroce 1987, p. 75-77). La roche talceuse semble trop tendre pour l’auteur qui écarte l’idée d’un polissage d’outils en pierre, idée renforcée par l’étroitesse des rainures. Dans le haut val Chisone, au lieu-dit Balboutet près d’Usseaux sont mentionnées sur un affleurement de serpentinite 8 rainures de section triangulaire, associées à une cupule de 7 cm de diamètre polie à l’intérieur (n° 927-0 ; Cinquetti 1987-88, p. 25). La découverte de Fontcouverte-la Toussuire dans la vallée des Arves en Maurienne est la plus élevée, à 1770 m d’altitude (n° 522). Un bloc quadrangulaire de grès anthracifère compact et dur de 1,8 m sur 1,2 m portant sur une surface plane 11 longues rainures rectilignes à section en V ou en N et 5 rainures plus courtes a été détruit vers 1930 (Rey 1999, vol. 3 p. 350-352). L’interprétation comme polissoir, proposée à l’époque, est invérifiable mais semble plausible109.

La découverte de Domessin dans l’avant-pays savoyard est plus sûre (n° 519-1). Un bloc en calcaire gréseux de 2,30 x 1,9 m environ, pour une épaisseur moyenne de 70 cm a été mis au jour en 1953, dessiné et publié (Combier Je. 1961, p. 310). Neuf rainures sub-parallèles -la plus longue atteignant 60 cm- subsistant sur deux côtés non endommagés ont fait interpréter cette pierre comme un polissoir, affirmation qui n’est plus vérifiable à cause de l’érosion des surfaces depuis la mise au jour (pl. 177 ; Rey 1999, vol. 3 p. 165-166, 294-297, pl. 11).

En basse Ardèche, trois découvertes ont été signalées au pied des Cévennes. A Saint-Paul-le-Jeune, «Une série de polissoirs sur calcaire gréseux» et une lame polie ont été découvertes par G. Lhomme (n° 232 ; Lhomme 1975). A Banne, «Une série de polissoirs fixes sur dalles de calcaire gréseux du Valanginien» est mentionnée comme découverte par G. Lhomme en 1975 près du ruisseau des Sensils (n° 203-0 ; Combier Je. 1977, p. 573). Il est fort probable qu’il s’agisse d’une seule et même découverte, les dates et descriptions étant identiques et les deux communes limitrophes. Aux Vans «un polissoir en grès» a été signalé, sans précisions (n° 240 ; Lhomme 1975).

Les polissoirs portatifs et à main sont mieux documentés par seize sites néolithiques et quatre découvertes sans contexte connu. En Valais, des polissoirs sont mentionnés sur les sites du Néolithique moyen II de Heidnischbühl à Rarogne (n° 812-1 ; Crotti et Pignat 1980) et de Sur le Grand Pré à Saint-Léonard (n° 815-2 ; David 1986), ainsi que dans les niveaux d’occupation du Néolithique moyen II et du Néolithique final du site de La Barmaz I à Collombey-Muraz (n° 809-1 ; Honegger 1992-93, 1995a et b).

Dans les Alpes internes, trois sites ont livré des polissoirs. En Tarentaise, sur le site des Moulins à Bozel sondé en 1999 (n° 514-1), deux polissoirs portatifs entiers, dont un en cuvette, peuvent être rattachés au Néolithique moyen (P.-J. Rey, comm. orale). A Roreto/Balm’Chanto (n° 922-1), site Néolithique final, un bloc quadrangulaire en grès de 20X25 cm environ porte un plan de travail et une rainure rectiligne à section en V placée au milieu (Biagi et Isetti 1987, p. 61 et fig. 46). La fouille des Balmes à Sollières en Haute-Maurienne a livré neuf fragments de polissoirs et un dixième possible dans les niveaux du Néolithique final ou hors stratigraphie (pl. 180 et 181). Les neuf premiers sont dans une roche à grain fin définie en lame mince comme un marbre siliceux ou une quartzite carbonatée (grès métamorphisé), de provenance locale probable110. Sept exemplaires sont pris sur des plaques à faces plus ou moins parallèles : six d’entre eux sont des petits fragments de plaques de 1,5 à 2 cm d’épaisseur correspondant à de petits polissoirs peut-être tenus en avec une ou les deux faces actives ; deux cas présentent aussi un côté actif (pl. 181 n° 2 et 5. Le septième est un plus grand fragment conservé sur 18 cm de long pour 14 de large et 4 cm environ d’épaisseur maximale (pl. 181 n° 6). Une face porte un plan de travail régulier à légères stries qui marque un angle faible avec la seconde face, régulière mais brute d’éclatement. Un huitième exemplaire présente une profonde dépression à stries d’usage longitudinalesLa face opposée, plane, a également servi à polir : deux légères dépressions sont perceptibles sur la surface. Une autre pièce, fragmentée et très altérée, est plus massive, environ 8x5 cm pour 11 cm de longueur conservée, et porte sur les deux faces et sur un côté des surfaces de travail relativement planes (pl. 180 n° 183). Signalons enfin une plaque en roche métamorphique tenace à grain fin, à délit un peu schisteux (pl. 180 n° 1) de 17,5x12 cm conservés pour une épaisseur maximale de 4 cm, dont une face est entièrement polie en une légère cuvette transversale. Pour l’ensemble de la série, la fonction de polissage des lames de hache n’est ni certaine ni univoque : l’industrie en os est abondante sur le site et surtout, les ébauches de lames polies côtoient les pièces techniques de fabrication de pendeloques en chlorite, depuis la taille jusqu’aux parures achevées (Thirault, Santallier et Véra 1999, p. 281 ; étude personnelle inédite). Le polissage d’armatures de flèche en serpentinite est également probable (cf. p. 248).

Dans les avant-pays savoyards, le sauvetage effectué sur le site Cortaillod des Petits-Crêts à Sciez près du Léman (n° 628-3) a permis de récupérer dans les déblais «un polissoir entier, un polissoir brisé et plusieurs fragments de pierre portant des traces de polissage» (Crola, Mudry et Ticon 1985, p. 17-22). Aucune description n’est publiée. A la Vieille Eglise à La Balme-de-Thuy (n° 603-1), la couche 4B attribuée au Chalcolithique-Campaniforme a livré un petit polissoir entier trapézoïdal de 14x12 cm, pris sur une plaque de grès de 4 cm d’épaisseur. Une nette concavité affecte le profil longitudinal (Ginestet 1984, fig. 9 n° 5). Dans le Bugey, des polissoirs sont signalés sur le site Campaniforme de Géovreissiat (n° 717-1 ; Bailly, Besse et alii 1998). Dans le bassin du lac du Bourget, deux sites ont livré chacun un fragment de polissoir. A Saint-Saturnin à Saint-Alban-Leysse (n° 531-1), un fragment de plaque brûlée de 4,5 cm d’épaisseur en grès fin à rares bioclastes présente une face polie en légère cuvette (pl. 179 n° 1). Dans la Grande Barme à La Biolle (n° 510-1), le sondage 3 d’A. Beeching a livré un fragment très altéré de polissoir à main en grès dans les niveaux du Néolithique moyen (pl. 179 n° 4). De forme quadrangulaire (9x4,5 cm pour 16 cm de longueur conservée), les deux faces ont été utilisées et présentent des plans assez réguliers à légère concavité transversale. Le côté non altéré a également travaillé comme l’atteste une large rainure longitudinale. Sur l’habitat des Baigneurs à Charavines (n° 407-1) est signalé un polissoir massif en molasse, avec une cuvette circulaire sur une face (Bocquet 1994, p. 48).Dans le bassin du Buëch, cinq points de découverte sont documentés. Sur le site du col des Tourettes à Montmorin (n° 336-1), deux petits fragments de polissoirs proviennent du niveau VIb, attribué à une phase ancienne du Néolithique moyen. Sur la commune du Saix (n° 356-1), un grand fragment de polissoir en roche métamorphique (?) à grain assez fin, de 21x14 cm conservés pour 9 cm d’épaisseur maximale, présente une profonde cuvette de plus en plus polie vers le fond (pl. 178 n° 2). A Eyguians (n° 320), un grand fragment de polissoir en grès fin chauffé pris sur une plaque de 4,5 cm d’épaisseur présente une forme arrondie qui évoque un galet de plus de 16 cm de large pour 15 cm de long conservés (pl. 178 n° 1). La surface active est plane et couvre toute une face. A Lagrand (n° 327-0), un fragment de plaque de grès fin rougi de 3 cm d’épaisseur environ à servi sur les deux faces et un côté arrondi (pl. 179 n°3). Sur le site de Tarrin à Orpierre (n° 339-5) sont signalés plusieurs polissoirs en grès dans les fouilles de P. Plat du début du XXème siècle ainsi que dans les sondages récents d’A. Muret. A Ladrech à Orpierre (n° 339-2), un petit fragment de polissoir en grès fin proche d’une molasse gris-vert, pris sur une plaque irrégulière, a subi un épannelage pour façonner un petit polissoir à main plus ou moins discoïde de 7 cm de diamètre environ (pl. 179 n°2).En moyenne vallée du Rhône, un grand polissoir portatif entier a été découvert dans une fosse du site Néolithique final de La Prairie à Chabrillan (n° 29-1), au sud de la basse vallée de la Drôme. Nous avons pu l’observer en compagnie de S. Saintot, responsable de la fouille. Il s’agit d’un bloc de molasse quadrangulaire de 80x70x15 cm, extrait d’un affleurement sur le site, qui porte sur une face trois larges cuvettes allongées de faible profondeur, ainsi que des rainures. Si d’autres fonctions sont possibles, le polissage des lames de hache semble ici incontestable.En rive droite du Rhône, quatre découvertes dont trois invérifiables sont à signaler. Au Pouzin (n° 222-0), un bloc de grès de 20 cm de long environ présentant un plan de frottement est décrit comme un possible polissoir portatif. Il aurait été découvert dans un ravin avec une moitié d’anneau-disque ou de sphéroïde en pierre (Bellin 1960 ; Combier Je. 1963). Un «polissoir de 0 m 13 de long et 0 m 04 de large, portant des traces de friction» (Bonnard 1934, p. 38) est signalé dans la Grotte Goury à Châteaubourg (n° 209-2) ainsi qu’une moitié d’anneau-disque en roche tenace. L’interprétation d’un polissage sur place, proposée par le fouilleur, ne repose sur aucun argument contrôlable. Dans l’aven-grotte de Meunier à Saint-Martin-d’Ardèche (n° 229-3), L. Chiron aurait découvert au XIXème siècle trois grands polissoirs fixes et d’autres plus petits, ce que les fouilleurs récents n’ont pas pu confirmer (Gilles et Huchard 1976). Plus en amont dans les gorges de l’Ardèche, la grotte du Pontiar à Vallon-Pont-d’Arc (n° 238-5) aurait livré plusieurs blocs de grès utilisés comme polissoirs. Nous avons observé un petit fragment déposé au musée d’Orgnac-l’Aven, ainsi qu’un petit polissoir à cannelure qui ne concerne pas les lames de hache.

Notes
109.

Il est nécessaire d’être prudent face à ces mentions : les innombrables et parfois surprenantes figures d’érosion peuvent induire en erreur, et la recherche active des roches gravées ou à cupules abondantes dans les Alpes a souvent conduit les préhistoriens et les érudits à magnifier leurs découvertes. Cf. Rey 1999, qui analyse plusieurs cas de pseudo-polissoirs recensés en Savoie depuis plus d’un siècle. Nous avons observé sur le plateau du Mont-Cenis entre Maurienne et val de Suse un affleurement de marbres phylliteux à poli glaciaire présentant de nettes incisions allongées polies d’apparence proche de cuvettes de polissage, mais naturelles.

110.

Trois lames minces sur trois pièces : ET21, ET22 et ET23. Cf. annexe 9.