L’usage des polissoirs pour polir les lames de hache n’est ni une fonction unique, ni toujours démontrable. Pour les grands polissoirs fixes, c’est la fonction la plus plausible : les descriptions de rainures ou longues cuvettes allongées sont proches de celles des nombreux polissoirs à rainures et/ou cuvettes bien connus surtout dans le Bassin parisien (Peek 1975), la Touraine (Cordier 1963 ; Gruet 1967 ; Despriée et Leymarios 1974 ; Audoux, Coulon et Girault 1992) et la Dordogne. Les roches décrites, grès, grès anthracifère, calcaire gréseux, serpentinite ne possèdent pas des qualités abrasives identiques mais l’ajout d’abrasif dans les rainures et cuvettes est envisageable. Pour les polissoirs portatifs, c’est une fonction probable en particulier pour les grands exemplaires à faibles dépressions allongées (Chabrillan) ou à cuvette (Le Saix, Sollières, Bozel). Pour les petits polissoirs, et surtout ceux qui tiennent en main, l’examen du contexte fournit des informations appréciables : aux Balmes de Sollières, le polissage concerne tout autant sinon plus la parure et les armatures de flèche que les lames de hache, pour ne parler que de l’industrie lithique. Pour les autres découvertes, aucun élément ne permet de trancher à ce stade de l’étude. Les grès et roches affiliées sont les plus prisés. Quand une détermination précise est disponible, il s’agit de roches aisées à acquérir dans l’environnement proche du site, ce qui n’est pas surprenant au vu de l’abondance des dépôts de molasse et grès divers tant dans les Alpes internes, les avant-pays que les basses terres rhodaniennes. Les formes des surfaces actives sont variées : les cuvettes sont rares au profit des dépressions allongées plus ou moins profondes, des rainures et des surfaces planes.La question de la localisation précise des polissoirs par rapport aux points d’eau indispensables à leur bon fonctionnement ne peut être abordée que pour les polissoirs fixes, les seuls qui ne peuvent être déplacés. Bien que nous ignorions la micro-topographie et orographie locale de chaque découverte, leur position dans des régions montagneuses et humides ne pose a priori pas de problème insurmontable vis à vis de l’eau, celle-ci étant toujours présente à très courte distance.La rareté des polissoirs sur les sites néolithiques de la région étudiée est à souligner, et contraste avec les abondantes séries de plusieurs sites pré- ou péri-alpins, tels les habitats de bord de lac du Plateau suisse111 ou les sites ligures112. Néanmoins, leur répartition spatiale n’est pas aléatoire (carte 23). Les grands polissoirs à rainures sont pour quatre d’entre eux situés dans les Alpes internes à proximité immédiate des affleurements d’éclogites et de jadéitites. Celui de Fontcouverte (n° 522) est à une cinquantaine de kilomètres à vol d’oiseau des affleurements les plus proches. Malgré les incertitudes qui pèsent sur leur authenticité, ces polissoirs fixes sont donc associés aux secteurs d’affleurement des principales roches travaillées pour les lames de hache. Les polissoirs portatifs et à main se rencontrent dans les mêmes régions, mais également près des moraines du Léman et dans le Valais, où prennent place des productions régionales de lames polies (carte 18 ; cf. chapitre 2). Ils sont bien présents plus à l’ouest dans les secteurs de productions de lames polies en éclogites (cf. infra), dans les avant-pays dauphinois et savoyards (où prend place le polissoir fixe de Domessin, n° 519-1) et dans le bassin du Buëch. En moyenne vallée du Rhône et en Ardèche, les données disponibles ne permettent aucune interprétation mais les découvertes relatées peuvent être reliées, au moins pour l’Ardèche, aux productions régionales de lames polies (carte 18 ; cf. chapitre 2). Le grand polissoir de Chabrillan (n° 29-1) est plus difficile à commenter mais démontre le polissage de lames de pierre loin des sources principales alpines, ainsi probablement que les limites des connaissances actuelles sur la question. Néanmoins, l’absence de polissoirs sur les sites néolithiques de cette région a été signalée depuis longtemps, en particulier aux Terres Blanches à Menglon (Müller 1930), et contraste avec l’abondance des dépôts molassiques aptes à faire des polissoirs. La géographie des polissoirs, bien qu’encore lacunaire, ne semble donc pas correspondre avec celle des disponibilités en matières premières.
Par exemple, 190 polissoirs et fragments dans le Néolithique moyen d’Egolzwil 3 : Wyss 1994, p. 58-59 ; 632 polissoirs et fragments dans les niveaux Cortaillod de Twann : Willms 1980, p. 119-122.
25 polissoirs et fragments aux Arene Candide ; Starnini et Voytek 1997b, p. 433-434.