1.2.3 Le sciage

Le sciage peut être employé comme technique de débitage ou de façonnage pour les roches tenaces. Dans le premier cas, il sert à éclater un bloc qui est ensuite façonné par taille, bouchardage ou polissage. Dans le deuxième cas, le sciage concerne plusieurs surfaces de l’objet et détermine le volume de la future lame de hache, qui est achevée par abattage des arêtes de cassure puis polissage. Quelle que soit la technique employée, les stigmates sont aisément reconnaissables : présence d’une plage plane avec rares et nettes stries qui correspondent sans doute aux reprises de sciage ; la plage se termine brusquement par un décrochement qui correspond à la zone éclatée. Faute de pièces techniques abondantes, nous n’aborderons pas, sauf exceptions, les processus techniques du sciage, par ailleurs bien étudiés en Suisse où la technique est d’emploi fréquent (Willms 1980 ; Buret 1983 ; Kelterborn 1991, 1992). Le principe est proche de celui du polissage : dans une dépression préparée par bouchardage est placée la scie qui par mouvement de va-et-vient creuse une rainure étroite. La rainure peut être unique ou doublée sur la surface opposée. Lorsque la roche est suffisamment amincie, l’éclatement est provoqué. Les scies peuvent être de différentes natures et les outils employés ne sont pas toujours identifiables. En Suisse, sept méthodes différentes de sciage ont été proposées (Willms 1980, p. 69), mais l’expérimentation permet de démontrer que seules trois d’entre elles sont efficaces (Kelterborn 1991) : sont éliminés le sciage à la ficelle, qui laisse des stries parallèles inconnues sur les pièces archéologiques, le recours à des lames brutes ou des scies de silex, peu efficace, nécessitant des lames rectilignes et surtout générant des types d’usure inconnus sur le mobilier archéologique, et l’emploi de pointes en silex, rejeté pour les mêmes raisons. Les techniques possibles sont le recours à des os plats ou des planchettes en bois enduites d’abrasif, ou l’usage de plaquettes biseautées en roche abrasive. Seules ces dernières sont attestées dans le Néolithique suisse, principalement dans le Horgen de Suisse orientale, autour des lacs de Zug et de Zürich ainsi que dans la vallée du Rhin en amont du lac de Constance (Willms 1980, pl. 41), avec en particulier le site de Petrushügel à Cazis qui a fourni plus de 150 plaquettes en calcaires, gneiss, schistes et grès (Itten 1970, p. 27-28, pl. 41 et 65). Mais ces plaquettes biseautées apparaissent dans le Néolithique moyen. Deux exemplaires sont signalés à Egolzwil 3 (Wyss 1994, pl. 12 et p. 58), deux autres sur le site Cortaillod d’Egolzwil 4 (Wyss 1983, pl. 41), ainsi que sur celui de Seematte à Hitzkirch (Gonzenbach 1949, p. 47) et tout récemment sur le site Cortaillod d’affinités Saint-Léonard découvert à Bramois dans le Valais (n° 805-1). Les six fragments minimum de Bramois, en schiste micacé, démontrent que le sciage au moyen de plaquettes de roche n’est pas exclusif de la Suisse orientale. Elles constituent pour l’heure un cas isolé qui permet a contrario de proposer l’usage de plaquettes en matière périssable pour tous les sites où aucun outil ne peut être rapporté au sciage : c’est le cas en Suisse occidentale et dans notre zone d’étude.

Seules les éclogites, les jadéitites, les ultrabasites et les roches «valaisannes» portent des traces de travail par sciage.