1.2.3.1 Les éclogites

Des stigmates de sciage sont visibles sur environ 3,5 % des objets en éclogite étudiés. Sur la technique elle-même, peu de renseignements peuvent être tirés en l’absence de pièces attestant des différentes étapes de l’opération. Deux types d’objets sont néanmoins à signaler. Le premier est une pièce unique, une ébauche découverte sans contexte près d’Embrun dans la haute vallée de la Durance, abandonnée suite à une cassure transversale (n° 315 ; pl. 153 n° 2). Il s’agit d’un grand éclat plat débité en omphacitite à grain fin. L’ébauche mesure 8,1 cm de large pour 2,5 cm d’épaisseur maximum. La longueur conservée est de 16 cm mais pouvait être à l’origine de 20-25 cm, voire plus. Le grand éclat, de la catégorie décrite plus haut, a subi un sciage à environ 45° sur le côté C à partir de la face A, et a été taillé à grands éclats semi-abrupts sur le côté D et sur l’extrémité distale. L’ordre de réalisation de la taille et du sciage n’est pas déterminable avec certitude ; la taille semble cependant être postérieure au trait de scie à leur point de rencontre sur la face A. Les deux techniques sont destinées à calibrer la largeur de l’ébauche et à préparer les futurs biseaux du tranchant. Les deux côtés ont ensuite subi un bouchardage fin et régulier non total, puis les deux faces ont été régularisées par un polissage plan qui n’a pas entièrement résorbé les irrégularités des surfaces de l’éclat. La cassure transversale est intervenue durant cette phase du travail, sans qu’il soit possible de déterminer les raisons exactes du bris. Cette ébauche est la plus grande connue en éclogite, et, pour les largeur et épaisseur, l’une des plus grandes de toutes les lames polies en éclogite, blocs et éclats confondus (fig. 17 et 19), bien que l’achèvement du bouchardage et du polissage auraient quelque peu réduit ses dimensions.

La deuxième série de pièces particulières concerne deux sites du Néolithique final des Alpes internes, Les Balmes à Sollières (n° 547-1) et Balm’Chanto à Roreto (n° 922-1). Le premier a livré trois éclats en éclogites présentant des traces de sciage (pl. 34 n° 5 à 7), dont l’un est partiellement bouchardé. A Balm’Chanto, quatorze fragments présentent des traces de sciage (Biagi et Isetti 1987, fig. 44). Un seul est un fragment de lame de hache achevé, les autres sont des fragments indéterminables, certains avec traces de polissage ; l’un d’eux présente deux rainures opposées. Deux blocs de 9 cm de longueur maximale présentent des rainures de sciage non éclatées, dont un avec une deuxième rainure parallèle éclatée. Il s’agit donc d’un véritable débitage destiné à former le volume de l’objet. Aux Balmes de Sollières comme à Balm’Chanto, la relation entre les traces de sciage sur éclogites et la fabrication de lames polies est nette, bien que les étapes intermédiaires entre le débitage et les lames polies achevées fasse défaut. Aux Balmes, l’absence d’affleurements d’éclogites proches conduit à poser la question du transport éventuel de blocs bruts ou peu transformés, mais les trois éclats identifiés ne suffisent pas à prouver l’existence d’un site de travail (cf. p. 215-216). Signalons en outre deux lames polies inachevées, l’une sur le site du Petit-Port à Annecy-le-Vieux (n° 601-1 ; pl. 45 n° 3), l’autre à Saint-Léonard/Sur le Grand Pré en Valais (n° 815-2 ; pl. 11 n° 2), travaillés par sciage sur un côté.

Vingt-et-une pièces achevées portent des stigmates de sciage. Un tiers sont des lames polies de longueur supérieure à 9 cm, alors que de telles longueurs constituent 17 % du corpus des lames polies en éclogites. L’interprétation est double et complémentaire : d’une part, le sciage est plus employé pour façonner des pièces de bonnes longueurs ; d’autre part, les lames polies plus courtes sont plus reprises par les refaçonnages partiel ou intégral, pas toujours perceptibles, mais qui oblitèrent peu à peu les traces du débitage, dont le sciage éventuel. La localisation des traits de scie est dans quinze cas sur un côté (dont un cas de double sciage ; pl. 35 n° 2), dans un cas sur les deux côtés, dans un cas sur un côté et la face A, et dans quatre cas seulement sur la face B, la plus plane. Le sciage est donc surtout employé pour calibrer la largeur des blocs, comme cela a été relevé à Auvernier (Buret 1983, p. 111), mais la position de l’ébauche au sein du bloc ne peut être déterminée.