1.3.3 Le couple bouchardage/polissage

L’étude des états de surface des lames polies conduit à distinguer trois types d’informations : la reconnaissance de l’emploi du bouchardage ou du polissage pour le façonnage, l’évaluation de l’importance relative de chacun (dans l’aspect final, qui permet d’évaluer plus ou moins bien l’importance de chaque dans la phase de régularisation) et leur intensité (régularité de la surface, extension des zones couvertes et des zones demeurées brutes). Décrits pour chacune des quatre surfaces principales de chaque objet achevé, ces critères fournissent une masse d’informations difficile à exploiter dans leur diversité. Pour la recherche de régularités qui sous-tendent toute production, nous avons donc établi des regroupements à plusieurs niveaux pour produire des informations certes schématisées mais qui permettent de révéler des tendances fortes qui ont de bonnes chances d’être les normes de fabrication : nous avons évalué pièce à pièce l’importance relative du bouchardage et du polissage pour chaque surface puis regroupé les deux faces d’une part, les deux côtés de l’autre pour rechercher un comportement de symétrie. Afin de rechercher d’éventuelles variations liées aux roches, nous avons d’emblée distingué chaque groupe de roche (fig. 26).

Seules les éclogites offrent des effectifs conséquents : 416 lames polies entières et décrites en détail ont servi de base de travail. Une nette répartition apparaît : trois groupes d’effectifs équilibrés (entre 26 et 29 % chacun) représentent les quatre cinquièmes du total et constituent ainsi les trois normes habituelles d’apparence des lames polies. Dans le premier cas, le bouchardage domine les faces et les côtés. Dans le second, c’est à l’inverse le polissage qui domine faces et côtés. Dans le troisième cas, le polissage domine les faces et le bouchardage domine les côtés. Les cas inverses de bouchardage dominant les faces et de polissage dominant les côtés sont très rares (5 %), de même que les cas de bouchardage dominant les côtés et de relation équilibrée entre polissage et bouchardage sur les faces (7 %). Les autres situations sont anecdotiques. Il y a donc bien des normes identifiables sur les lames polies n’ayant pas subi de reprises de façonnage, et les faces apparaissent comme préférentiellement dominées par le polissage (65 % des cas). Pour les jadéitites, les 23 objets décrits ont un comportement identique aux éclogites, ce qui confirme leur proximité déjà soulignée à propos des supports (p. 183) et de la taille de façonnage (p. 191). Les trois groupes principaux forment les neuf dixièmes de l’effectif et représentent chacun entre 26 et 34 %. Au contraire, la moitié des pièces en glaucophanites (sept sur quatorze), ont un comportement fort différent puisque la moitié des pièces ont les faces dominées par le bouchardage et les côtés par le polissage. Les autres pièces se répartissent à égalité entre le bouchardage dominant partout et celles où le polissage domine sur les côtés et où les faces sont dominées par les surfaces bruts. Les ultrabasites (vingt pièces) et les roches «valaisannes» (dix pièces) ont une apparence proche : les quatre cinquièmes de chaque effectif présentent au moins sur les côtés ou les faces, voire les deux, une dominance des surfaces brutes, clairement associé aux supports sur éclats. Le bouchardage ne domine que rarement, fait à relier à son faible taux d’emploi déjà relevé, et le polissage ne domine que sur les côtés.

Il existe donc une corrélation nette entre le type de roche et les formes prises par l’emploi du bouchardage et du polissage. Aux éclogites et jadéitites, où trois types d’associations se partagent à égalité lla majeure partie de l’effectif doivent être opposées les roches peu employées et peu diffusées (chapitre 2) dont le façonnage suit des règles différentes et, en particulier pour les roches «valaisannes» et les ultrabasites, où il est marginal et peu structuré, pour autant que les effectifs modestes autorisent des conclusions. De plus, ces distinctions ne sont pas directement liées aux types de support : bien que les éclats soient abondants dans les éclogites, ils sont toujours façonnés et ne présentent jamais, contrairement à ceux en ultrabasites et en roches «valaisannes», de surfaces dominées par les plages brutes. L’investissement technique de façonnage est donc toujours supérieur dans le groupe de roches les plus diffusées.

Figure 26. Etats de surface des lames polies : tableau de données indiquant les dominances respectives du bouchardage et du polissage, selon les faces et les côtés, pour les principaux types de roche.
éclogites % jadéitites % glaucophanites % ultrabasites %
bouchardage faces et côtés 110 26,5 6 26 3 21,5 1 5
polissage faces
bouchardage côtés
115 27,6 8 34
polissage faces et côtés 122 29,3 7 30 1 7
équilibre bouch./pol. faces
bouchardage côtés
29 7
bouchardage faces
polissage côtés
21 5 7 50 3 15
faces brutes
polissage côtés
3 21,5 13 65
bouchardages faces
côtés bruts
1 5
faces et côtés bruts 2 10
Autres 19 4,6 2 10
total 416 23 14 20