2. Analyse morpho-technique

La classification des lames polies est une question souvent abordée mais difficile à résoudre de manière satisfaisante. Pour les lames de hache pleines et symétriques que sont les productions alpines, les typologies purement morphologiques ou morphométriques achoppent le plus souvent car elles ne tiennent pas compte des altérations dues à l’usage, qui peuvent modifier non seulement le tranchant mais parfois aussi l’ensemble du corps, et n’intègrent pas l’aspect technique du façonnage. Le principe retenu pour tenter d’établir des groupes de lames polies ayant une efficacité explicative a été de considérer, une fois écartés les lames polies refaçonnées (cf. supra), le lien existant entre les techniques employées et la forme obtenue. Nous avons montré plus haut que le bouchardage et le polissage ne sont pas mis en oeuvre de manière aléatoire mais suivent des normes relativement précises. Le façonnage par bouchardage tend à produire une section ovalaire ou du moins à surfaces convexes, sans angles nets, et tend à faire disparaître, s’il est longuement mené, tous les creux des irrégularités des surfaces. Le polissage au contraire tend à façonner des surfaces planes et permet plus difficilement de résorber les creux s’il est employé directement. Des surfaces polies régulières et convexes sont obtenues par une préparation bouchardée préalable, et nécessitent plus de manipulations lors du polissage. L’étude de la combinatoire de ces deux techniques et des formes produites doit donc permettre de classer les lames polies selon des critères proches de ceux des fabricants. Nous supposons en effet que les formes et les aspects primaires des lames polies, avant reprises de façonnage dues à l’usage, ne sont pas aléatoires mais correspondent dans leur grande majorité à une intention préalable : par le biais d’une classification morpho-technique, même sommaire, nous cherchons donc à mettre en évidence des types de formes et d’apparence qui procèdent d’une intentionnalité de la part du fabricant. En effet, puisque le choix du recours au bouchardage ou au polissage ne suit pas une logique déterministe pour les productions alpines (cf. p. 142-145), ces techniques participent du projet du fabricant. Pour jeter les bases d’une classification morpho-technique des lames polies, nous étudions donc dans un premier temps les relations entre la forme de la section et les techniques de façonnage. Dans une étude préliminaire sur la moyenne vallée du Rhône, nous avons intégré la taille dans cette approche (Thirault 1998). Nous ne la considérons pas dans ce cas, puisque nous avons vu plus haut que la taille de façonnage est liée à la phase de préparation de l’ébauche et dépendante du support. Cette technique ne participe donc pas directement à la réalisation de l’aspect final de la lame polie. Les groupes proposés sont précisés d’un point de vue morphologique et dimensionnel avant d’étudier les relations avec les supports. Est ensuite présenté plus en détail un type particulier de lames polies : le ciseau.