3. Les sites de travail des roches tenaces

La démonstration de la circulation de roches tenaces, la reconnaissance dans le corpus étudié de pièces inachevées ou reprises, de polissoirs et de percutants remployant des fragments de lames polies, ainsi que la mise en évidence de modes de fabrication structurés et pour partie segmentés, pose deux questions :

• quelles sont les modalités de fabrication des lames de hache : existe-t’il des sites spécialisés dans telle phase de réalisation, et où ?

• quelles sont les modalités de la circulation des objets : roches brutes, ébauches à quel stade, pièces achevées ?

Pour résoudre ces questions, il convient d’étudier les objets pouvant de près ou de loin être liés au travail des roches tenaces, non plus dans leur globalité mais site par site. Pour ce faire, nous avons distingué les grands types de roches et de productions, avec d’une part les roches largement diffusées, éclogites et jadéitites, qui constituent le système de production majeur et le plus diversifié, et d’autre part les roches de plus faible circulation (moins de 100 km), envisagées par régions : roches «valaisannes», métabasites et ultrabasites travaillées sur le Léman, découvertes du Bugey et de la Bresse, métabasites ardéchoises.

Pour caractériser les sites de travail des roches tenaces, cinq catégories d’objets sont considérées :

• Les pièces en cours de façonnage premier, par sciage, taille, bouchardage ou polissage. Sauf exceptions, elles sont toujours brisées et démontrent donc un travail sur le lieu de leur découverte. Leur identification n’est pas toujours aisée, en particulier pour les fragments bouchardés qui peuvent être confondus avec des morceaux de lames polies achevées. L’absence de lustre sur le bouchardage, la forme grossière ou irrégulière de celui-ci et le mode de cassure sont des éléments discriminants, mais nous avons écarté les pièces douteuses, pêchant probablement ainsi par prudence.

• Les lames de hache en cours de refaçonnage après cassure : ce sont le plus souvent des pièces reprises par bouchardage, parfois par taille, parfois difficiles à distinguer des ébauches neuves. Le fait qu’elles soient abandonnées en cours de travail atteste dudit travail sur le site considéré.

• A contrario, les lames de hache cassées, refaçonnées et retrouvées achevées ne sont pas discriminantes par elles-mêmes, puisqu’elles ont pu être déplacées après leur réfection. Elles appuient néanmoins l’argumentation sur les sites où elles côtoient les objets précédents.

• Les percutants tels que définis au début de ce chapitre sont des pièces importantes. Retrouvés sur les mêmes sites que les pièces précédentes, ils sont un élément dans la démonstration du travail des roches tenaces. Nous avons également pris en compte les percutants isolés, car ils témoignent d’un comportement de recyclage des fragments de lames de hache similaire à celui observable sur les sites de travail, même si leur lien avec le façonnage des lames polies ne peut dans ces cas être établi.

• Les polissoirs présentés plus haut (p. 169) fournissent la preuve matérielle du polissage. Associés aux ébauches, leur emploi pour les lames de hache ne fait plus guère de doute.