1.2 Les lames de hache bipenne du Horgen

Si l’existence de lames de hache perforées à double tranchant est reconnue dès le Rubané en contexte funéraire (herminette-double perforées en forme de bottier ; Farruggia 1992, p 40 ; Jeunesse 1997, p. 90-91), au début du Néolithique final, le Horgen de Suisse orientale et occidentale se singularise par la présence, entre autres types, de lames de hache perforées sans renflement médian et à double tranchant (Itten 1970, p. 24-25). Les plus grands exemplaires peuvent dépasser 20 cm de long, tels ceux de Greifensee/Furren (Itten ibid., pl. 7 n° 1) et d’Agiez (Wolf 1993, fig. 45), et semblent être des imitations des très grandes -plus de 40 cm de long- lames de hache à double tranchant en cuivre attestées dans les régions du Rhin moyen et de la Saale/Elbe, avec des diffusions sporadiques en Suisse et en France centrale (Wyss 1974). Bien que la répartition des bipennes de pierre polie n’a semble-t’il jamais fait l’objet d’une étude approfondie à large échelle, il est clair que leur présence n’est pas limitée au Horgen : elles sont également bien attestées sur la façade atlantique, dans le bassin de la Loire et dans le Sud-Ouest français selon une chronologie encore difficile à établir et des types fort variés, dont des pièces naviformes d’inspiration scandinave122.

Trois lames de hache perforées de notre région d’étude sont de manière plus ou moins sûre des bipennes. Celle de l’abri Gay à Poncin ne pose pas de problème d’identification puisqu’elle est entière (carte 33, n° 724-1). Les deux découvertes sans contexte de la commune du Bersac dans la vallée du Buëch (n° 309-0) sont plus délicates à interpréter. Il nous semble, au moins pour l’exemplaire le mieux conservé (pl. 159 n° 3), que l’attribution à une bipenne soit la solution la plus satisfaisante : l’absence de renflement médian l’éloigne des lames de hache-marteau de type Cordé et Auvernier (cf. infra) et le léger évasement au niveau du tranchant semble inconnu dans les types triangulaires simples présentés plus haut. La deuxième pièce du Bersac (pl. 159 n° 4) est de type indéfinissable. Il s’agit d’une lame de hache perforée brisée qui a subi un bouchardage intégral et présente une cupule bouchardée sur une face, probable préliminaire pour une tentative de perforation. Les deux exemplaires du Bersac sont très excentrés par rapport à l’aire d’influence du Horgen qui ne dépasse pas vers le sud le Plateau suisse et les lacs jurassiens (Giligny, Maréchal et alii 1995 ; Marguet 1995) et témoignent, si notre attribution typologique est exacte, d’influx suisses jusque dans la vallée du Buëch au début du Néolithique final (le Horgen est bien daté par dendrochronologie entre 3200 et 2900 av. J.-C. en Suisse occidentale ; Voruz 1991a). Mais il ne s’agit pas de diffusions d’objets puisque les deux pièces du Bersac ne sont pas en roches tenaces mais en matériaux probablement locaux : un grès tendre compact brun-rosé pour le grand fragment, une roche indéterminée à gros grain brun terne pour l’ébauche. La très faible résistance aux chocs du grès suggère fortement, comme pour les lames de hache-marteau triangulaires simples, le caractère non-utilitaire de ces objets.

Notes
122.

Cf. les inventaires de Cordier 1951, 1956, 1957, 1964a et b, 1965, 1972, Bouyssonie et Cordier 1953 pour le bassin de la Loire, Giot et Cogné 1955, Le Roux 1990 pour la Bretagne, Coffyn 1962, Gachina, Gomez et Coffyn 1975, Cassen 1987 pour le Centre-Ouest et Sud-Ouest de la France, Vaquer 1990a, p. 358-361 pour le Languedoc occidental.