1.4 Discussion

Des faits exposés sur la question des lames de hache perforées, trois points sont à relever. En premier lieu, aucune relation directe au niveau de la production ne peut être établie avec les productions de lames de hache pleines intra-alpines en éclogites. Les lames de hache perforées sont bien étrangères au monde alpin et s’inscrivent dans l’orbite des cultures d’ascendance danubienne. Mais une association forte apparaît au Néolithique final pour les lames de hache-marteau de type Cordé-Auvernier, puisque les roches employées, des serpentinites, ainsi que les lieux de production, en particulier sur la rive méridionale du Léman, coïncident avec l’existence de productions de lames de hache pleines sur le Léman où les serpentinites et les chloritites sont souvent employées (carte 18). Il existe donc malgré tout une relation avec les lames de hache pleines alpines, qui tient aux zones de diffusions de celles-ci en relation avec les groupes culturels en présence. Au Néolithique moyen, les diffusions alpines sont établies dans l’ensemble du bassin du Rhône, du moins dans une phase ancienne, puisque au Néolithique moyen II émergent en Valais des productions locales. Or, les lames de hache-marteau triangulaires simples sont présentes dès le Néolithique moyen I en Valais, indice d’interactions entre le Plateau suisse et les régions alpines avant la mise en place du Cortaillod. L’exemplaire de Saint-André-de-Rosans, s’il s’agit bien du même type d’objet, dénote en outre la diffusion beaucoup plus lointaine (plus de 200 km) de pièces complètement exotiques au contexte alpin. La diffusion sensible de lames de hache-marteau au Néolithique final durant le Horgen puis l’Auvernier-Cordé dans les anciennes provinces du Cortaillod (Léman, avant-pays savoyard) est parallèle à l’évolution technique des lames de hache pleines avec l’adoption du polissage transversal à facettes. Cette influence se manifeste de manière moins forte au sud de la vallée de l’Isère, c’est-à-dire au sein du vieux courant sud-piémontais de diffusion des lames de hache alpines. A contrario, le Valais est imperméable aux lames de hache-marteau de type Cordé-Auvernier, de même qu’il est d’une manière générale distinct du Néolithique final du Plateau suisse, sauf en bas Valais (Honegger 1995).

Enfin, ces diffusions de lames de hache-marteau sont opposées aux courants de diffusion de lames de hache pleines en éclogites. Il est significatif de constater que les diffusions de lames de hache-marteau s’opèrent exclusivement (en l’état actuel des connaissances) par les avant-pays savoyards et le Haut-Rhône français (carte 33), régions de diffusions des productions de lames de hache pleines du Léman voire de productions locales, et évitent la Savoie interne et le Grésivaudan encore bien alimentés en éclogites piémontaises. Les parcours sont extérieurs aux Alpes, ignorent les grandes cluses savoyardes et ne rejoignent les reliefs préalpins qu’au sud de l’Isère via sans doute la cluse de Grenoble. Un effet-limite joue donc entre l’intérieur et l’extérieur des reliefs, qui se combine avec un effet-seuil quantitatif entre les zones de diffusion des lames de hache alpines du Nord-Piémont et du Sud-Piémont pour modeler une image complexe mais cohérente des relations entretenues entre les deux grands types de lames de hache, indépendamment de toute considération culturelle plus large.