2. Les armatures de flèche en roches tenaces polies

Parmi les nombreuses armatures de flèche perçantes connues au Néolithique, les types façonnés par polissage constituent des exceptions identifiées dans des régions circonscrites. Hormis les armatures en roches tenaces des Alpes occidentales, nous en connaissons trois autres types. Des pointes de flèche en silex poli sont mentionnées dans des collections anciennes des départements de la Somme et de l’Eure, sans contexte précis (Agache 1959). En Afrique occidentale, des armatures de flèche perçantes en schiste poli sont recensées dans le Sahara méridional à Kobadi au Mali et dans le Hodh de Mauritanie (sites des Dhar Tichitt et Oualata), sur une aire de plusieurs centaines de kilomètres de longueur, à l’exclusion des régions environnantes (Amblard 1991). Cet auteur souligne le fait de la non-nécessité technique de l’emploi du schiste pour la confection des armatures de flèche dans des régions pourvues de matériaux taillables et exploités. Un troisième type, en os ou en bois de cerf, est attesté en faibles effectifs sur les sites de Suisse occidentale dans le Cortaillod123 ainsi que dans les phases anciennes du Néolithique final dans le Horgen124 et dans le Néolithique final valaisan125 (Hafner et Suter 1999). Il semble que les pointes de flèche en os et en bois de cerf poli de Suisse occidentale et les pointes en schiste poli du Sahara méridional partagent le fait de ne pas correspondre à une nécessité technique due à une carence en silex ; elles dénotent en fait une volonté de distinction limitée dans l’espace et dans le temps.

Les armatures de flèche perçantes en roches tenaces polies des Alpes occidentales présentent un cas de figure à première vue semblable. Leur présence sur les sites intra-alpins et riverains des lacs péri-alpins, ainsi que leur rapport au monde alpin ont été relevés (Buret 1983, p. 25 et 51-52 ; Saintot 1985, p 127 et 1998, p. 214-215 ; Bertone 1990a et b ; Mezzena 1997, p. 34), mais à notre connaissance aucune étude d’ensemble n’en a été entreprise. Leur signification comme marqueur de relations entre les communautés intra-alpines a été proposée par A. Bertone pour qui elles matérialisent un des aspects d’une identité culturelle entre les vallées de l’Arc, de la Dora Riparia et du Val Chisone (Bertone ibid.) et par F. Mezzena qui en parle comme d’un «fossile guida» des relations entre Val d’Aoste et Valais (Mezzena ibid.). L. Barfield interprète l’usage des pointes de flèche en «roche verte» dans le Valais et en Piémont comme un substitut au manque de silex au sein des Alpes métamorphiques, aux côtés du quartz hyalin également utilisé comme matériau entre autres pour les pointes de flèche (Barfield 1999, p. 247).

La répartition alpine des sites concernés, l’emploi systématique de «roches vertes» et l’obtention de données nouvelles par nos travaux de terrain en Haute-Maurienne et des analyses en laboratoire (programme CIRCALP), sont autant de raisons qui rendent utile dans le cadre de ce travail la présentation un état le plus complet possible de la question des armatures en roches tenaces alpines.

Notes
123.

Plusieurs exemplaires dans le Cortaillod de Twann niveau MS (Schibler 1981) et sur le site de Saint-Léonard/Grand Pré (David 1986).

124.

Une à Feldmeilen-Vorderfeld (Winiger 1985, pl. 49 n° 3), deux à Montilier/Platzbünden (Ramseyer et Michel 1990, p. 39 et fig. 28 n° 5-6), une à Yvonand 4, couche 8 (Voruz 1984, fig. 37 n° 3).

125.

A Collombey-Muraz/Barmaz I dans un niveau Néolithique final proche du style Clairvaux et du Lüscherz (Honegger 1995a, p. 89 et fig. 40 n° 18), et dans le dolmen MXII du Petit-Chasseur à Sion daté dans une phase ancienne du Néolithique final (Favre et Motter 1995, fig. 67).