2.2 Matériaux

Outre la technique de fabrication (polissage de plaquettes ou d’éclats plats taillés au préalable), le point commun à toutes les pointes de flèches en roches polies alpines qui permet de les considérer comme un seul type d’objet est l’emploi de matériaux dits en «roche verte». Des données pétrographiques précises sont aujourd’hui disponibles pour quatre sites, dont trois analysés dans le cadre du programme CIRCALP (Thirault, Santallier et Véra 1999, p. 280). En Val Chisone, les 42 pièces et 47 ébauches du site de Balm’Chanto à Roreto (n° 922-1) sont en «serpentinoscisto», terme qui caractérise à la fois leur nature pétrographique (roches composées de serpentine) et leur texture schisteuse qui facilite le débitage ou le délitage de fines plaquettes. De telles roches affleurent en gisements primaires ou secondaires dans les environs immédiats du site (Biagi et Isetti 1987). En Haute-Maurienne, deux sites ont fait l’objet d’analyses. A Bessans/Le Château (n° 509-1, pl. 163 et 164), 20 des 34 pièces découvertes en ramassages de surface ou en fouille, pour la plupart des ébauches, sont passées aux RX : 14 sont composées d’antigorite, minéral principal des serpentinites, quatre d’amphibole, une est une métapélite et une autre une quartzite à biotite (cf. annexe 9). A l’oeil nu, les critères de distinction entre amphibole et antigorite définis à partir de ces résultats autorisent des comptages pour l’ensemble du mobilier du site qui portent à 27 les serpentinites constituées d’antigorite, cinq les amphibolites et deux les roches anecdotiques précitées. Toujours à l’oeil nu, toutes les roches sélectionnées présentent un délit schisteux peu prononcé. La roche principale, la serpentinite (80 % des armatures), affleure sur le site même et constitue la paroi de l’abri d’où sont tombés des blocs plurimétriques qui fournissent une matière première de qualité en abondance. A Sollières/les Balmes (n° 547-1, pl. 165), trois des sept armatures en roche polie ont été analysées : elles sont en serpentinite (minéral antigorite), et l’examen visuel des armatures restantes permet de dire que cette roche est probablement la seule utilisée pour leur confection. A l’extérieur des reliefs alpins, l’unique exemplaire de Charavines/Les Baigneurs dans les piémonts dauphinois (n° 407-1, pl. 165 n° 1), analysé après la rédaction de synthèse du programme CIRCALP et donc inédit, est en amphibolite (minéral actinote). Sur la base des analyses de laboratoire, les serpentinites apparaissent comme la roche utilisée de préférence en Haute-Maurienne et en val Chisone, souvent avec des couleurs vert-bleu sombre, mais parfois plus claires et plus translucides qui peuvent alors être confondues à l’oeil avec les amphibolites. A notre connaissance, aucune analyse de laboratoire n’a été effectuée sur le mobilier des autres sites, mais tous les exemplaires que nous avons pu observer à l’oeil nu entrent dans ces variations de teintes et de texture, sans qu’il soit possible de préciser au cas par cas la part des amphibolites et des serpentinites ou la présence éventuelle d’autres roches. Pour avoir observé de visu la quasi-totalité des armatures en roches tenaces polies recensées, il nous semble assuré qu’aucune des roches préférentiellement utilisées pour les lames de hache, les éclogites et les jadéitites, ne soit mise à profit pour les armatures polies.