2.5 Morphologie et dimensions

Les formes des armatures polies sont des plus variées mais s’inscrivent toutes dans le répertoire morphologique des pointes de flèche perçantes en silex. La diversité est accentuée par la présence de nombreuses pièces irrégulières, au polissage imparfait bien que probablement achevé. Les pointes les plus courantes sont foliacées à lancéolées, losangiques à triangulaires, parfois avec base aplatie, plus rarement avec pédoncule (pl. 162 à 165). Les bords sont plus ou moins tranchants sur leur pourtour, à l’exception de la partie destinée à l’emmanchement qui présente le plus souvent des bords polis transversalement pour façonner une section quadrangulaire non coupante (ex : pl. 164 n° 14). Les trois exemplaires Cortaillod de Saint-Léonard/les Bâtiments se distinguent, en plus de l’absence de polissage, par leur forme triangulaire à base légèrement concave identique aux pointes de flèches typiques du Cortaillod dont des exemplaires en silex et en quartz hyalin sont présents dans les mêmes cistes (Corboud, Leemans et alii 1988).

L’étude des dimensions permet de formaliser les variations perceptibles à l’examen des objets. Les armatures en roches tenaces polies sont de proportions variables, les largeurs sont comprises entre 1,1 et 2,6 cm pour 1,9 à 9,6 cm de longueur. Conséquence de l’emploi de fines plaquettes ou d’éclats, les épaisseurs sont toujours très faibles, le plus souvent inférieures au demi-centimètre. Il apparaît que chaque site documenté comprend des pièces de dimensions homogènes qui diffèrent des autres sites. Cette individualisation est très nette en Valais et n’est corrélée ni avec la chronologie ni avec la fonctionnalité des sites (fig. 35). En effet, les trois pièces des tombes Cortaillod de Saint-Léonard/les Bâtiments sont de très faibles dimensions et trapues tandis que celles du site voisin de Sur le Grand Pré sont pour la plupart beaucoup plus longues et allongées. Au Néolithique final, la relation tombe/habitat est inversée puisque l’assemblage du dolmen MXII du Petit-Chasseur comprend une panoplie d’armatures en roche polie où les pièces très longues (record à 9,6 cm) et très allongées, de forme lancéolée, sortent du lot tandis que sur les habitats de Savièse et de Barmaz, les armatures polies sont de faibles longueurs, inférieures à 5 cm à une exception près. L’armature polie du site d‘altitude de Zermatt rentre dans la catégorie des pièces allongées. En Savoie, en Val d’Aoste et en Piémont de semblables distinctions entre sites apparaissent (fig. 36). En val d’Aoste, les deux pièces entières provenant de deux sites différents sont de dimensions presque identiques et de bonnes longueurs (6,2 cm) et très allongées (pl. 165 n° 12 et 14). Les armatures polies de Sollières/Les Balmes présentent l’originalité d’avoir des dimensions très variables, entre 2,8 et 5,6 cm de long mais toujours avec un allongement comparable de rapport compris entre 2,5 et 3 (pl. 165). Celles de Roreto/Balm’Chanto s’inscrivent dans des variations de dimensions comparables à celles de Sollières, avec un effectif plus important et des longueurs pour la plupart faibles : seul un cinquième des pièces dépassent 5 cm de long (pl. 162). Mais l’examen comparatif des ébauches taillées non encore polies retrouvées en abondance sur ce site de fabrication (47 exemplaires) montre que l’éventail des formes produites était sans doute plus large (fig. 37) : de grandes ébauches taillées (jusqu’à 7 cm de long) s’inscrivent dans des rapports d’allongement compris entre 2 et 3 comparables à ceux des pièces achevées (pl. 162). Il est donc probable que Balm’Chanto a produit des armatures polies de bonnes dimensions (en tenant compte de la réduction de taille avec le polissage) en plus grande proportion que ce que laissent croire les seules pièces achevées du site : 40 % des ébauches taillées, soit le double des pièces achevées, dépassent 5 cm de long, et près de la moitié sont de largeur supérieure à 2 cm, contre 6 % seulement pour les pièces achevées. Incidemment, ce fait confirme le rôle de production du site qui a manifestement exporté les plus grandes armatures polies vers d’autres lieux. Une interprétation identique peut être proposée pour Bessans/Le Château dont toutes les armatures en roches tenaces, à une ou deux possibles exceptions près, présentent un polissage inachevé (pl. 163 et 164). Comme toutes sont brisées, seules les largeurs fournissent des indications sur les proportions des productions (fig. 37). Il apparaît clairement un déficit des pièces larges : une seule des pièces mesurables a une largeur supérieure à 2 cm, soit une proportion (7 %) équivalente à celle de Balm’Chanto pour les pièces polies. Il est donc probable qu’à Bessans aussi une partie de la production ait été emmenée hors du site. Mais la quasi absence de pièces achevées à Bessans permet de mettre en évidence les différences entre les deux sites, encore inexpliquées. Elles renforcent l’impression générale d’une certaine complexité des assemblages d’armatures en roches tenaces polies sur les sites intra-alpins, bien éloignée de l’image simple implicite dans l’appellation de «productions locales».

Les armatures polies retrouvées en-dehors des Alpes sur les sites littoraux partagent des dimensions relativement homogènes (fig. 36), entre 1,6 et 2,1 cm de large pour des longueurs comprises entre 3,4 et 5,1 cm, à une seule exception près, une des armatures d’Auvernier/Brise-Lames qui est un peu plus longue (5,8 cm) et large (2,3 cm). L’aspect trapu de ces pièces est difficile à expliquer mais ne constitue pas à notre sens un argument probant pour arguer de productions étrangères aux vallées intra-alpines.

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Figure 35. Armatures de flèche en roches tenaces polies. Longueurs et largeurs pour le Valais.
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Figure 36. Armatures de flèche en roches tenaces polies. Longueurs et largeurs pour la Savoie, les vallées italiennes et les sites littoraux
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Figure 37. Armatures de flèche en roches tenaces polies. Longueurs et largeurs pour les ébauches des sites de Roreto/Balm’Chanto et de Bessans/le Château