5.1 Datation et répartition

La datation des billes ne pose pas de problème : tous les sites où elles sont retrouvées connaissent des occupations rattachables -pour tout ou partie- au Néolithique moyen, et plus particulièrement au Chasséen, que ce soit des ramassages de surface, des collections de fouilles plus ou moins mélangées ou des fouilles ordonnées. Les billes retrouvées en place dans des occupations chasséennes sont rares : dans notre région d’étude, une bille à l’abri Moula à Soyons (n° 236-4), dans un remplissage attribué au Chasséen récent (groupe C), au moins trois billes à La Maddalena de Chiomonte dans le val de Suse (n° 913-1). Des billes retrouvées en couche homogène existent en Provence dans la grotte Murée à Montpezat, couches 8 à 10 (carte 32, n° 36 ; Courtin 1974, p. 74), dans la grotte C de Baudinard (n° 35 ; Courtin et Pélouard 1971), en plein-air à Istres/Miouvin (n° 32 ; Phillips 1982). Les fouilles de Capdenac-le-Haut (n° 2) et de la Perte du Cros à Saillac (n° 4) dans le Quercy, ainsi que la grotte de Sargel 1 à Saint-Rome-de-Sernon dans les Causses (n° 5) ont également livré des billes en contexte chasséen. Les données sont trop peu nombreuses pour préciser une quelconque évolution au sein du Chasséen, mais l’apparition des billes dans le Sud de la France est probablement antérieure à cette culture. Les quatre exemplaires de la galerie close de la grotte de Montou à Corbières-les-Cabanes (n° 9) peuvent être selon toute probabilité rattachés au groupe pré-Chasséen de Montbolo (Treinen-Claustre 1986). De même dans le mobilier de la grotte de Bize, cinq billes peuvent être attribuées soit au Chasséen soit au pré-Chasséen largement attesté sur le site (groupe de Bize). Aucune mention de billes en contexte Cardial n’a été relevée, et nous n’avons pas non plus retrouvé de donnée précise concernant des billes en contexte postérieur au Chasséen.

La relation entre les billes et le Chasséen est d’autant plus forte que leur aire de répartition est intégralement incluse dans l’emprise de cette culture (carte 32), sans pour autant être homogène dans l’espace : environ 90 % des billes recensées proviennent de la moyenne et basse vallée du Rhône et de ses affluents de rive gauche, de la Provence occidentale et centrale et de la basse vallée du Gard en rive droite du Rhône. En Languedoc oriental, un groupe de découvertes apparaît dans la région de Montpellier avec les sites de Montbeyre-la-Cadoule à Teyran (n° 10), la grotte de la Madeleine à Villeneuve-les-Maguelonne (n° 11), Lattes (n° 12) et la station du Moulin de Sauret à Castelnau-le-Lez (n° 13). Les découvertes sont plus sporadiques en Languedoc occidental et dans les contreforts du Massif Central : des points existent dans les Causses (grotte de Sargel 1 à Saint-Rome-de-Cernon, n° 5), dans le Quercy (Capdenac-le-Haut, n° 2 ; grotte du Noyer à Esclauzels, n° 3 ; perte du Cros à Saillac, n° 4) et à Montauban/le Verdier (n° 1), mais les billes sont à notre connaissance absentes des grands sites chasséens de la vallée de la Garonne. Trois sites en ont livré dans le bassin de l’Aude : Auriac à Carcassonne (n° 6) et les Plos à Ventenac-Cabardès (n° 7), deux grands sites de surface chasséens, ainsi que la grotte de Bize (n° 8). La grotte de Montou à Corbières-les-Cabanes (n° 9) semble constituer le point de plus méridional.

Au sein de la zone de découvertes principale en Provence et dans le bassin du Rhône, des groupes de sites apparaissent nettement (carte 32) : le plus important gravite autour du Mont Ventoux avec de petits groupes de sites à l’ouest de la montagne-repère dans l’axe du Rhône (Villeneuve-les-Avignon, n° 19 ; La Siroque à Saint-Laurent-des-Arbres, n° 20 ; Bollène/Mont Péry, n° 21 ; La Bertaude au Grès-d’Orange, n° 22 ; Piolenc, n° 26) ; au nord avec le Levant de Leaunier à Malaucène (n° 23) et les sites du Pègue au pied des Baronnies (n° 109-1 et -2) ; au sud-ouest dans la vallée de la Nesque (grotte d’Unang à Malemort-le-Comtat, n° 24 ; abri de l’Eglise à Méthamis, n° 25 ; abri du Castellaras à Sault, n° 28). Deux autres concentrations sont décelables dans la basse vallée de la Durance (Boulon à Robion, n° 27 ; Baume des Enfers et grande grotte à Cheval-Blanc, n° 29 et 30 ; vallée de Beauregard à Orgon, n° 31), dans la basse vallée du Gard avec trois sites à Dions (n° 14 à 16), la grotte de Saint-Vérédème à Sanilhac (n° 17) et celle de la Saltanelle à Remoulins (n° 18). En basse Provence et en Provence centrale, les découvertes sont disséminées, avec deux concentrations remarquables dans les gorges du Verdon (Montpezat/grotte Murée, n° 36 et Baudinard grotte C, n° 35) et surtout dans la plaine de Trets avec le site de surface de la Bastidonne (n° 34). Plus au nord, les découvertes du Trou Arnaud à Saint-Nazaire-le-Désert (n° 149-1), des Terres Blanches à Menglon (n° 84-2) et de la grotte d’Antonnaire à Montmaur-en-Diois (n° 102-1) forment un petit groupe cohérent en continuité avec les concentrations du Sud-Drôme et du Nord-Vaucluse autour du Mont Ventoux. Avec l’abri Moula à Soyons (n° 236-4), les sites du Diois représentent la limite nord de présence fréquente des billes dans le bassin du Rhône. Les découvertes des Batteries Basses à Virignin en Savoie (n° 738-1) sont à ce jour isolées et posent la question du statut de ce site qui a également livré une lamelle d’obsidienne excentrée par rapport à la diffusion de cette roche dans le bassin du Rhône (Brisotto 1999). Plus au nord, des billes seraient présentes sur plusieurs sites de hauteur du Néolithique moyen de la côtière bourguignonne, mais cette mention demande à être explicitée avant toute discussion (Nicolardot 1986).

Le cas de La Maddalena à Chiomonte (n° 913-1) est exemplaire puisqu’il représente une implantation chasséenne dans les Alpes internes : les billes y apparaissent bien comme partie intégrante du bagage culturel chasséen, aux côtés de la céramique et du silex blond (Bertone et Fedele 1991). Au contraire, les billes sont absentes à notre connaissance des sites V.B.Q. d’Italie du Nord, soulignant ainsi l’association entre les billes et le Chasséen. Néanmoins, il ne s’agit pas d’un lien générique puisque les billes sont rares en Languedoc occidental où le Chasséen est bien implanté, et apparemment inconnues du Chasséen auvergnat. Les billes sont donc avant tout une caractéristique du Chasséen de Provence centrale et occidentale, de la moyenne et basse vallée du Rhône, des Préalpes du Sud et du Languedoc oriental. De même, au sein de cette zone de présence existe une hétérogénéité dans la distribution des billes sur les sites. Les concentrations de sites reconnues ne peuvent pas être un artefact de la recherche et les vides entre les groupes de sites traduisent pour partie un état de fait néolithique. En effet, des régions comme la vallée du Buëch, pourtant riche de ramassages depuis plus d’un siècle, ou la Valdaine en moyenne vallée du Rhône, où sont connus 42 sites du Néolithique moyen (état en 1994), la plupart de découverte récente par prospection volontaire (Beeching, Berger et alii 1994), sont exemptes de billes.