5.6 Fonctions

Reste la question de la fonction des billes, inconnue à l’heure actuelle. Il est possible qu’elles aient été emmanchées : rappelons l’exemple de la bille de la grotte de Saint-Vérédème, découverte anciennement prise dans un bois de cerf à extrémité évidée pour la recevoir (Montjardin et Roger 1993). Cette découverte peut être sujette à caution, connaissant l’esprit inventif et facétieux des préhistoriens d’antan. Un autre indice d’emmanchement est fourni par la seule bille en gabbro du Trou Arnaud qui présente une amorce de perforation contenant un dépôt qui pourrait être un résidu de colle (Daumas et Laudet 1998, p. 53). Les billes ont peut-être servi à frotter une matière : la surface de la bille en serpentinite de la grotte d’Antonnaire à Montmaur-en-Diois présente une brillance extrême, qui contraste avec la cassure très mate. Il en est de même, à un moindre degré, pour la bille en roche tenace des Batteries Basse à Virignin.

Emmanchées ou non, frottées ou non, les fonctions proposées sont variées :

Le problème central qui demeure est qu’aucune des fonctions proposées ne nécessite la fabrication d’une bille : la nature est prodigue en galets sphériques de tous calibres, et il est probable, au moins pour les roches tenaces, que des galets aient été employés comme support pour la confection des billes. Il y a donc bien dans l’acte de fabrication des billes une intentionnalité autre que fonctionnelle qui s’exprime également dans leur répartition géographique, leur abondance intra-site et micro-régionale, les assemblages de roches, de couleurs et de dimensions qu’elles forment dans chaque site et les contextes de découvertes. Marqueur culturel, sans doute, qui n’a aucun lien démontrable avec les productions de lames de hache alpines, mais qui est marqué par la familiarité avec les «roches vertes» des populations vivant à l’est du Rhône. Au-delà de toute rationalité économique ou technique, ce fait nous semble seul capable d’expliquer le recours occasionnel aux serpentinites et aux gabbros pour façonner des billes dans les Alpes, les Préalpes, la Provence, la vallée du Rhône et le Languedoc oriental, régions qui durant le Chasséen dépendent de manière presqu’exclusive des diffusions alpines pour leur approvisionnement en lames de hache (cf. chapitre 5). Selon cette optique, la présence moindre des billes et l’absence de celles en roches tenaces dans les régions plus occidentales du Chasséen peut être mise en parallèle avec la forte diffusion dans ces mêmes régions des lames de hache en cinérite du Rouergue durant le Néolithique moyen (Servelle et Vaquer 2000).