1.2.6 Les dimensions

L’interprétation des dimensions des lames de hache en pierre polie est des plus délicates en archéologie, à cause des remplois, refaçonnages et réaffûtages divers qui transforment profondément les proportions des outils au cours de leur usage. Il est donc extrêmement difficile de retrouver les dimensions des lames de hache neuves sans étudier au préalable les processus d’usage des lames de hache qui permettent de moduler les chiffres bruts mesurés sur les objets qui nous parviennent. Cette étude est entreprise au chapitre 6, mais nous avons cherché dans le cadre de ce chapitre à dégager d’éventuelles tendances chronologiques générales. L’analyse des modules de largeur et d’épaisseur des lames polies n’a pas permis de mettre en évidence de tendance marquée. Néanmoins, les études statistiques menées sur les productions sub-contemporaines d’Irian Jaya démontrent l’existence d’une relation entre les variations géographiques de longueurs des lames de hache neuves et les longueurs de celles qui sont abandonnées et deviennent donc des pièces archéologiques (Pétrequin et Pétrequin 1993, p. 380-384). Transposées dans une optique chronologique, les variations dans les longueurs peuvent donc fournir des indications, même grossières, sur les longueurs des lames de hache neuves, ce qui nous intéresse dans ce chapitre. Les décomptes effectués indiquent en effet des variations qui ne semblent pas aléatoires et rejoignent celles déjà observées dans les matières premières et les morphologies (fig. 50). Pour l’ensemble des roches, trois types d’assemblages sont perceptibles : au Néolithique ancien, des lames de hache toujours inférieures à 10 cm de long, avec une prédominance des très faibles longueurs (< 5 cm) ; au Néolithique moyen I, une augmentation générale des longueurs se traduit par l’apparition de plus grandes longueurs (entre 10 et 15 cm), l’augmentation très forte de la classe 5-10 cm et l’absence des faibles longueurs (< 5 cm). Au Néolithique moyen II et au Néolithique final, les effectifs de classe s’équilibrent avec une dominance des longueurs comprises entre 5 et 10 cm (55 et 49 %), une forte présence des faibles longueurs (un tiers), une baisse relative des longueurs supérieures à 10 cm (12 et 18 %) compensée par l’apparition de grandes longueurs, supérieures à 15 cm. Les décomptes pour les seules éclogites montrent des variations très proches, preuve que l’ensemble des productions alpines connaissent sur ce plan des évolutions relativement synchrones. Ce fait que nous avons déjà souligné lors de l’étude des proportions des lames polies en fonction des roches (cf. p. 171-183) est sans doute à interpréter en termes d’imitation ou de compétition entre producteurs, les productions en éclogites jouant un rôle moteur. Il est intéressant de noter à cet égard que les longueurs des éclogites croissent de manière plus nette que celles de l’ensemble des roches entre le Néolithique moyen II et le Néolithique final.

Toutes les roches
longueur Néo. ancien Néo. moyen I Néo. moyen II Néo. final
0 à 5 cm 10 35 42
5 à 10 cm 4 7 58 61
10 à 15 cm 3 10 20
15 à 20 cm 1 1
> 20 cm 1
TOTAL 14 10 105 124
éclogites
longueur Néo. ancien Néo. moyen I Néo. moyen II Néo. final
0 à 5 cm 5 19 12
5 à 10 cm 3 6 22 29
10 à 15 cm 2 5 8
15 à 20 cm 1
> 20 cm
TOTAL 8 8 46 50
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Figure 50. Lames de hache. Effectifs et évolutions chronologiques relatives des longueurs.
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Mais il est difficile d’interpréter au premier degré de telles variations, puisque les effectifs du Néolithique ancien et moyen I sont très en-dessous des seuils statistiques de fiabilité. La seule information recevable à partir de ces décomptes est sans doute la rupture du Néolithique moyen I qui voit une augmentation générale des longueurs, suivie d’un rééquilibrage au périodes suivantes en faveur des petites longueurs, avec une tendance, surtout nette pour les éclogites, à l’augmentation des longueurs entre le Néolithique moyen II et le Néolithique final.