2.1 Phase 1 : la phase ancienne du Néolithique ancien

La plus ancienne étape reconnue dans la production des lames de hache dans les Alpes occidentales, le Sud-Est de la France et l’Italie du Nord peut être placée dans le Néolithique le plus ancien de la Méditerranée occidentale, soit dans le VIème millénaire av. J.-C. (carte 38). Les lames de hache en éclogites et autres roches tenaces associées apparaissent en effet dès les premiers niveaux Impressa des Arene Candide sur la côte ligure (Ricq-de Bouard 1996). Mais il s’agit d’objets parvenus sur le site sous une forme achevée, et les centres de production sont à rechercher plus à l’intérieur des terres dans les Apennins liguro-piémontais, en particulier dans la région du Monte Savino. Il est probable, bien que non encore démontré, que les sites de production reconnus dans les vallées descendant du versant nord des Apennins métamorphiques soient en activité dès cette phase ancienne (Venturino-Gambari 1996).

Le point important est que ces productions en éclogites ne sont pas à usage uniquement régional mais sont diffusées sur de longues distances, en direction du nord-est où elles représentent 60 % des lames de hache du site de Sammardenchia dans le Frioul, situé à 400 km environ à vol d’oiseau des Apennins (D’Amico, Ferrari et alii 1996), et en direction de l’ouest à travers les Alpes du Sud en Provence occidentale, dans les Préalpes du Sud (Lus/les Corréardes, La Motte-Chalancon/Rif) et jusqu’au Rhône, en contexte Cardial, sur des distances maximales de l’ordre de 250 km. Dans cette phase initiale, il n’existe à notre connaissance aucun indice qui permette d’argumenter de productions en éclogites au nord des Apennins, en particulier dans le Piémont et dans les reliefs des Alpes occidentales. En conséquence, les lames de hache en éclogites retrouvées jusque dans les Préalpes du Sud françaises doivent appartenir à ce courant de diffusion apennin et permettent d’ancrer le Néolithique ancien «montagnard» de cette région dans le Cardial de Provence et de la vallée du Rhône comme cela est proposé sur la base de l’étude céramique (Beeching 1999b).

Par contre, les Apennins ne sont pas les seules régions de productions et, dans le Sud-Est de la France touché par les processus de néolithisation, apparaissent des lames de hache polies en roches peu diffusées : glaucophanites en basse Durance, amphibolites en basse Ardèche, amphibolites calciques dans les Pyrénées orientales. La relation chronologique précise entre ces diverses productions et les diffusions en éclogites demeure inconnue, mais il semble que seule une partie des premières soient en contact direct avec les éclogites : l’aire de répartition des lames de hache en amphibolites pyrénéennes est disjointe de celle des éclogites (Ricq-de Bouard 1996, fig. 39-40).

Il est donc possible de proposer pour cette phase initiale une multiplicité de régions de productions utilisant chacune des roches locales. Une situation comparable est mise en évidence dans une phase ancienne de la néolithisation du nord-est de la France et de la moyenne vallée du Rhin, où les populations rubanées exploitent plusieurs sources de roches métamorphiques vosgiennes qui connaissent de faibles diffusions (Pétrequin et Jeunesse dir. 1995). A l’inverse, la diffusion des éclogites sur des distances appréciables peut être comparée à la situation du même Rubané d’Europe occidentale où il semble bien que des réseaux de diffusion de roches métamorphiques soient en place (Bakels et Arps 1979), réseaux qui disparaissent avec cette culture. Mais, autant pour l’aire rubanée que pour l’aire alpine, l’éventuelle relation chronologique entre les productions diffusées et les productions d’usage régional ne peut à l’heure actuelle être établie.