2.2 Phase 2 : la phase récente du Néolithique ancien et le début du Néolithique moyen

Nous regroupons en une phase unique une épaisseur chrono-culturelle qui recoupe la limite entre Néolithique ancien et moyen, objet de débats au sein des préhistoriens et qui connaît des variations selon les régions considérées (cf. p. 80). En ce qui nous concerne, il est possible de regrouper en un ensemble cohérent les phases récentes du Néolithique ancien Cardial du Sud-Est de la France et Impressa ligure et piémontais, les différents groupes culturels tardifs d’Italie du Nord (Vhò, Fiorano) et du Valais, ainsi que les premières manifestations du Néolithique moyen antérieures au complexe du V.B.Q., soit une tranche de temps comprise en gros du dernier quart du VIème millénaire au premier tiers du Vème millénaire av. J.-C. Au sein de cet ensemble chrono-culturel, les productions de lames de hache connaissent certainement des évolutions importantes mais à ce jour non perceptibles (carte 39).

Le fait important de cette phase est l’ouverture des Alpes occidentales aux diffusions de productions en roches tenaces de l’est vers l’ouest, liée aux premières implantations néolithiques fortes au nord des Apennins, en particulier le Neolitico antico du groupe d’Alba, sans doute déjà présent dans les basses vallées alpines (site de Vaie à Rumiano), et les groupes de Vhò et de Fiorano établis dans la plaine padane. Dans ces groupes, la production de lames de hache en éclogites est forte, liée aux affleurements autochtones ou allochtones des Apennins et dans doute du Piémont (site de Vaie). Elles s’accompagnent de la fabrication de bracelets, parfois sur les mêmes sites (Alba, Brignano Frascata). A cette période apparaissent les lames de hache en éclogites en Valais (Sion/Planta) et les bracelets en roches tenaces dans le Cardial de Provence. A plus longue distance, les bracelets en roches tenaces font une apparition sensiblement dans la même tranche de temps dans le groupe de Villeneuve-Saint-Germain/Blicquy du nord-ouest de la France. Bien que le transport d’objets ne soit pas à l’heure actuelle démontrable, les correspondances morphologiques et chronologiques sont trop fortes pour être fortuites. La mode des bracelets plats à large jonc, dont les plus grands peuvent être qualifiés d’anneaux-disques, s’inscrit parfaitement dans cette tendance et démontre les relations entretenues à cette période entre les Alpes occidentales et les cultures danubiennes d’Europe occidentale et atlantique (carte 30).

Pour autant, l’ouverture des Alpes occidentales aux diffusions d’objets n’implique pas que toutes les productions en roches tenaces soient issues de centres piémontais. Deux faits plaident au contraire pour l’intégration au moins partielle des Alpes françaises dans la sphère des producteurs dès cette phase. D’une part, les grands anneaux-disques en serpentinite sont inconnus en Italie du Nord, alors qu’ils sont bien présents dans les avant-pays savoyards (dépôt de Chambéry) et dans l’axe Saône-Rhône (carte 30). D’autre part, la sériation des sites de production croisée avec les occurrences de mobilier céramique Fiorano en Provence et dans la plaine de Grenoble permet de proposer, à défaut de la démontrer formellement, l’existence de sites de travail des éclogites dès cette phase dans le Sillon alpin (Vif/Saint-Loup) et le Diois (Recoubeau/Clapier A). S’il en est ainsi, la question se pose de la relation exacte entre les sites producteurs des Préalpes françaises et ceux du Piémont : les premiers ont-ils un approvisionnement direct aux sources de matières premières, et lesquelles, ou sont-ils dépendants des sites piémontais ? Aucun élément ne permet aujourd’hui de répondre à cette interrogation, et ce d’autant plus que les données de terrain font défaut pour cette période dans les Alpes françaises et italiennes.