Chapitre 6
Fonctionnement et fonctions des haches

Les lames de hache sont produites et diffusées pour être utilisées. Il s’agit avant tout d’un outil, parfois d’une arme, et il serait insuffisant d’étudier les modes de fabrication et de circulation sans prendre en compte l’utilisation des outils. Ce chapitre est destiné à faire le point sur la question des usages et des fonctions des haches -en tant qu’outil entier- dans les Alpes occidentales et le bassin du Rhône. Une telle recherche ne peut être menée de manière efficace que sur des outils entiers, ce dont nous ne disposons pas dans notre zone d’étude. Ce chapitre n’est donc pas une étude exhaustive des multiples facettes de l’usage des haches mais introduit une réflexion sur des points précis, déterminés par l’état de la documentation, qui permettent d’éclairer les modes d’usage des haches néolithiques. Dans le cadre général de cette étude, nous nous proposons de rechercher si le mode d’usage des haches interagit avec le système de production et de diffusion des lames polies et si oui, selon quelles modalités.

Pour ce faire, il convient de distinguer et d’étudier de manière séparée les deux facettes du mode d’usage des haches : le fonctionnement de l’outil et sa fonction. François Sigaut a insisté sur la nécessité de ne pas confondre ces deux notions, source d’erreurs interprétatives et impasse méthodologique pour l’histoire des techniques et la préhistoire. Le fonctionnement d’un outil est la manière dont il agit sur la matière ; la fonction est son statut technique et social : «la fonction d’un objet, c’est ce qui le relie au système dont il n’est qu’un élément. Or si j’ignore le système, comment pourrais-je donner un sens à l’élément ? Que signifiera pour moi un mors ou un étrier si j’ignore tout de l’équitation ? Et quelle machine un archéologue martien reconstituerait-il avec un essuie-glace, des débris de ventilateur et une vieille chambre à air ? L’impossibilité de remonter de la structure à la fonction sans avoir recours à l’analogie ne fait probablement que traduire l’impossibilité de comprendre l’élément hors du système dont il fait partie» (Sigaut 1991, p. 23).

Or, si le fonctionnement des haches néolithiques peut être approché à partir des seuls objets qui subsistent (outils entiers et le plus souvent lames polies), leurs fonctions nous échappent grandement, faute de connaître au préalable le système technique et social qui les génèrent. Nous avons présenté au chapitre 1 les principes méthodologiques de ce volet de l’étude. Nous abordons d’abord la question des fonctionnements par le biais des traces d’utilisation présentes sur les lames polies ainsi que des modes d’emmanchement qui permettent de se faire une idée des outils entiers. Chaque point est présenté de manière générale et ensuite replacé dans le cadre chronologique afin de mettre en évidence les évolutions, en prenant en compte le corpus de sites fiables (cf. annexe 3). Puis les questions de fonction sont abordées sous l’angle des indications fournies par les vestiges matériels mais surtout par l’étude des contextes de découverte, qui permettent d’approcher le statut de l’outil. Nous effectuons enfin la synthèse des données acquises en les replaçant dans la mesure du possible dans les connaissances plus générales concernant les sociétés néolithiques.