1.2.1 Les microtraces d’usage : stries et lustrés

Les stries d’utilisation se développent à partir du fil du tranchant en direction de l’extrémité proximale de la pièce (ex : pl. 2 n° 1). Elles peuvent être distinguées des stries de polissage par leur emplacement toujours lié au fil du tranchant, leur largeur et leur profondeur supérieures, leur caractère isolé ou rare et leur faible longueur. Deux types sont décrits, selon l’orientation des stries par rapport à la tangente du fil du tranchant : soit elles sont perpendiculaires à celui-ci, soit elles présentent une sensible inclinaison. Nous avons mis en évidence les stries d’utilisation par examen à la loupe binoculaire sous un grossissement compris entre 20 et 60 fois.

Les lustrés d’utilisation sont présents sur les biseaux du tranchant à partir du fil et remontent vers le haut des biseaux (ex : pl. 36 n° 4). Leur intensité, leur largeur et leur développement sont des plus divers et connaissent souvent des variations sur un même biseau, devenant moins intenses en s’éloignant du fil. Les lustrés sont parfois plus ou moins altérés et réduits à l’état de palimpseste, ou encore effacés en partie par des repolissages postérieurs. Nous les avons mis en évidence par examen à l’oeil nu et dans la mesure du possible à la loupe binoculaire. A la loupe, les lustrés se présentent comme des surfaces brillantes où les stries de polissage ne sont plus visibles, et semblent être le résultat d’un dépôt de matière sur la surface du biseau plus que d’une abrasion. La présence de tels lustrés sur les biseaux de deux lames polies du site de Charavines/les Baigneurs relevée au microscope par P. Vaughan corrobore cette hypothèse, puisque l’auteur a observé des dépôts siliceux sur la surface de la roche qui débordent largement l’emprise des cristaux de quartz (Vaughan et Bocquet 1987).

Pour notre corpus, les décomptes sont effectués sur les objets ayant conservé des biseaux de tranchant en bon état et qui ont été observés à la loupe binoculaire (fig. 55). Les stries ne sont présentes que sur 8,9 % des tranchants, contre 13 % pour les lustrés. Les stries et les lustrés apparaissent ensemble dans 19,7 % des cas (14 sur 71), mais 26,4 % des lustrés et 53 % des stries apparaissent seuls. Les stries et les lustrés peuvent se développer sur un ou les deux biseaux, et pas toujours du même côté : dans plus d’un quart des cas (4 sur 14), ils apparaissent sur des biseaux opposés ou bien les stries ne sont présentes que sur un seul biseau tandis que le lustré se développe sur les deux. Les stries sont le plus souvent orthogonales à la tangente du fil (26 cas sur 32, soit 80 %), rarement inclinées (4 cas), et deux pièces présentent l’association de stries orthogonales et inclinées sur des biseaux opposés.

L’interprétation de ces observations n’est pas aisée. La rareté des stries et des lustrés s’explique par le repolissage des surfaces des biseaux pour maintenir le fil coupant. Des expérimentations menées en Piémont démontrent qu’il est très difficile de faire apparaître des traces d’usage sur les tranchants : plusieurs heures de travail du bois avec des outils en roches tenaces alpines n’ont pas permis de faire apparaître de traces sur les biseaux, alors qu’un lustre d’emmanchement a commencé à se former sur le corps de la lame polie (Aimar, Malerba et alii 1996). Les biseaux exempts de traces sont donc probablement des pièces ayant été fraîchement réaffûtées et n’ayant pas fonctionné durant un long laps de temps après. L’absence de différence statistique entre la présence ou non de stries et/ou de lustrés et l’intégrité des lames polies (entières ou cassées) plaide pour cette hypothèse.

L’interprétation fonctionnelle la plus plausible est celle du travail du bois. En effet, les lustrés observés sur les biseaux de lames de hache de Charavines/les Baigneurs sont identiques à ceux identifiés sur des outils en silex taillé et rapportés au travail du bois (Vaughan et Bocquet 1987). Mais les stries et les lustrés ne fournissent aucune information sur le type de bois (fût, branche, écorce, etc.), les gestes et la finalité du travail.

Néo. ancien Néo. moyen I Néo. moyen II Néo. final total daté total corpus
poli tranchant 8 1 20 44 73 324
émoussé 1 1 9 9 20 152
esquillé 3 13 20 36 239
divers 2 2 6
non tranchant 1 2 4 7 57
total 13 2 46 77 138 778
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Figure 56. Lames polies. Etat du tranchant au moment de l’abandon.