1.4.8 Synthèse

Les données établies ci-dessus permettent de percevoir une nette évolution chronologique dans les systèmes d’emmanchement des lames polies, qui révèle une évolution des outils eux-mêmes encore très mal comprise mais néanmoins incontestable. Une rupture peut être placée entre le Néolithique moyen I et II. Au Néolithique ancien et moyen I, les emmanchements sont directs et surtout de type hache (les trois quarts de l’effectif). Au Néolithique moyen II, une partition s’effectue entre les régions sous influence Cortaillod qui adoptent au moins pour partie la gaine simple, et le Chasséen qui la refuse, bien que l’emploi de l’emmanchement de type herminette connaisse une sensible augmentation générale (un tiers de l’effectif). Au Néolithique final, ce type d’emmanchement devient plus fréquent encore puisque haches et herminettes seraient présentes à égalité dans les régions étudiées. En même temps, l’emploi des gaines en bois de cerf est plus répandu mais ne concerne que les avant-pays alpins. L’importance réelle de la gaine est impossible à évaluer mais ne semble pas remplacer entièrement l’emmanchement direct, vu le faible nombre de gaines connu. Plusieurs types d’outils sont perceptibles à travers l’emploi des gaines. Tandis que les gaines à couronne et ailette sont largement répandues, les régions au préalable sous influence Cortaillod utilisent en plus les gaines à douille qui nécessitent un manche coudé à tenon (type 4), type d’outil d’ascendance danubienne adopté également durant le Néolithique final sur le Plateau suisse.

Au cours du Néolithique moyen II puis du Néolithique final se manifeste donc une influence grandissante dans le bassin du Rhône des choix techniques issus de la néolithisation danubienne, avec des gradients variables : emploi de la gaine, emmanchement en herminette, manche coudé avec gaine à douille. La présence de ciseaux à double tranchant souligne probablement ce fait. L’importance de ces influences est difficile à quantifier et s’exprime dans des proportions différentes selon les critères observés : ainsi au Néolithique final, l’emmanchement en herminette est aussi fréquent que celui de type hache, mais les manches du site de Charavines sont tous droits dans la tradition des grandes haches. Il y a donc bien une disjonction entre les transformations techniques de l’outil qui affectent son fonctionnement et les éventuelles transformations de ses fonctions (cf. infra). Le point remarquable est que ces transferts s’effectuent sans lien avec le système intra-alpin de production des lames de hache. L’emploi de la gaine en bois de cerf en particulier demeure quasiment inconnu dans les Alpes internes, à l’instar de l’ensemble de l’Italie du Nord.