2.1.1.1 Le travail du bois

Les fonctions des outils de la famille des haches sont liées avant tout au travail du bois, à son acquisition, sa transformation et sa consommation (cf. fig. 2). Deux caractéristiques du Néolithique d’Europe occidentale, l’emploi généralisé d’outils emmanchés et une architecture réalisée sur poteaux, induisent des besoins quantitatifs et qualitatifs en bois beaucoup plus importants que pour les périodes précédentes. L’importance de la hache pour le travail du bois est démontrée sur les sites de milieux humides où les manches, ustensiles divers et éléments architecturaux conservés attestent de multiples fonctions pour les haches (Müller-Beck 1965). En particulier, l’étude des bois d’oeuvre révèle la gamme des savoir-faire déployés pour abattre les fûts, les refendre, les appointer, les façonner, etc. : à chaque étape correspond une fonction précise pour l’outil, qui peut être remplie par plusieurs haches de dimensions variées ou par un même outil manié avec des gestes différents (Choulot, Ernst et alii 1997).

Dans notre région d’étude, les données architecturales sont des plus rares. En milieu humide, les sites littoraux étudiés sur le lac Léman (Corsier-Port : Baudais, Corboud et Nierlé 1985) et les lacs préalpins savoyards (Marguet 1995) et dauphinois (Bocquet 1994) démontrent la connaissance des techniques de construction sur poteaux porteurs. Sur les sites terrestres, les bâtiments sur poteaux sont reconnus en Valais durant le Cortaillod (Sion/Petit-Chasseur II : Sauter, Gallay et Chaix 1971) et au Néolithique final (Savièse/La Soie : Baudais 1995a) tandis qu’en moyenne vallée du Rhône, ils sont rares et de faibles dimensions (Beeching 1999a).

La multifonctionnalité des haches néolithiques apparaît clairement et il peut sembler vain de tenter de corréler la dimension et/ou la masse des lames à une fonction précise. Les résultats sont assez proches de truismes tels que : une grosse hache sert à couper un gros arbre, une petite sert pour de menus travaux, ce que les enquêtes menées en Nouvelle-Guinée démontrent sans conteste (Pétrequin et Pétrequin 1993). Les partitions (petites, moyennes, grandes) ne sont d’aucun pouvoir explicatif, et ne sont recevables que pour des outils entiers : en effet, la longueur du manche, la présence d’une tête plus ou moins élargie et l’emploi ou non d’une gaine en bois de cerf modifie considérablement la masse de l’outil, donc sa force de frappe (Winiger 1991). Il y a bien une corrélation générale qui détermine l’équilibre de l’ensemble de l’outil, mais il n’est pas possible sur la seule base des lames polies d’établir des classes fonctionnelles précises. De plus, nous avons démontré plus haut que les dimensions des lames sont pour une bonne partie une conséquence de la gestion de la matière première. Ne retrouver que des petites lames sur un site ne signifie pas que les haches étaient petites, donc -par exemple- que les hommes ne travaillaient que peu le bois ou ne coupaient que de petits troncs ; cela signifie surtout que la matière était réutilisée plus longuement.

Il n’existe pas non plus de relation simple entre la position de la lame polie et la fonction de l’outil : les herminettes sont tout autant capables que les haches d’assumer des travaux d’abattage, comme cela est le cas en Nouvelle-Guinée (Pétrequin et Pétrequin 1990), et en l’Europe occidentale, l’opposition entre ces deux types d’outils est culturelle et ancrée dans le plus ancien Néolithique (cf. supra).