2.2 L’assemblage par site

Un examen rapide du corpus permet de prendre conscience de la grande variabilité que chaque site présente dans l’assemblage de lames polies. Le nombre d’objets en particulier attire l’attention puisqu’il varie de zéro à plus d’une centaine (annexe 3). Il est utile de caractériser cette diversité et voir en quoi elle pourrait traduire une variabilité fonctionnelle tant du point de vue des lames polies que des sites. Nous avons donc cherché à évaluer les paramètres qui influent sur l’effectif des lames polies de chaque site. Une telle approche est des plus malaisée car il est pratiquement impossible de savoir en quoi le nombre d’objets aujourd’hui retrouvés sur un site reflète une réalité pour le Néolithique. Un biais reconnu concerne les différences de collecte des objets selon les sites, en fonction de la surface fouillée ou prospectée, de la méthode adoptée, de l’état de conservation du site. Mais un biais taphonomique est également présent dès le départ : nous ignorons la relation entre les outils en usage en un lieu donné et les objets qui se fossilisent dans une couche archéologique. Cette relation est précisément le mode de gestion des objets, de leur usage à leur rejet, lequel n’est pas connu a priori mais constitue également un enjeu de la recherche.

Les habitats de milieux humides datés de manière très précise permettent de comprendre l’importance du mode de gestion dans le nombre d’outils fossilisés. Charavines/les Baigneurs (n° 407-1) a été occupé de manière permanente à deux reprises durant 20-22 ans, occupations séparées par un abandon de 35 ans environ (Bocquet 1994). Le premier abandon est probablement volontaire et la communauté est partie avec ses biens, alors que le second s’est effectué dans la précipitation, ce qui a entraîné l’abandon de nombreux outils. Pour ne parler que des haches, les effectifs sont donc fort différents pour une durée d’occupation et une surface fouillée (1500 m2) identiques : 7 lames polies, 3 gaines en bois de cerf et un manche de hache dans la couche inférieure, contre respectivement 12, 11 et 19 dans la couche supérieure (ibid.). Ramenés par année, ces chiffres correspondent au rejet de 0,35 lame de hache par an dans la couche inférieure contre 0,6 par an dans la couche supérieure. La seconde moyenne ne correspond pas au taux de rejet de lames polies durant l’occupation du site mais traduit le caractère hâtif de son abandon. Sans cette information, l’interprétation serait sans doute toute autre.

Néanmoins, il nous semble possible d’avancer dans la discussion en testant des facteurs de variabilité définis au préalable. Sur la base des décomptes par site consignés dans l’annexe 3, nous avons recherché les variations d’effectifs en fonction de la durée d’occupation des sites, le type de site (milieu humide/terrestre) et la présence ou non d’une production de lames polies, en écartant de la discussion les sites funéraires qui font l’objet d’une étude plus précise (Infra). Une approche chronologique est ensuite tentée. Pour chaque décompte, l’unité de temps la plus courte possible est prise en compte, et seules sont comptabilisées les lames de hache achevées, en écartant les ébauches et les remplois comme percutants.