Reconnu dans le Sud-Est de la France (Brochier, Beeching et alii 1999) et en Ligurie (Arene Candide : Maggi ed. 1997), le parcage de troupeaux de ruminants dans des grottes conduit à la formation d’épaisses couches limoneuses provenant de la décomposition des fumiers. La dévolution de grottes entières au parcage prend un essor conséquent au Néolithique moyen et signe la mise en place d’un système pastoral dont le fonctionnement est encore mal compris (ibid. ; Beeching, Berger et alii 2000).
Dans ces limons de bergerie, le mobilier archéologique est des plus rares, et les lames de hache ne font pas exception. Nous n’en avons rencontré que deux cas dans le Chasséen : une lame polie entière dans les couches J-J’ de la grotte de Saint-Marcel à Bidon en basse Ardèche (n° 206-1, pl. 30), et une autre également intègre dans la grotte d’Agnielles à la Faurie, dans le haut bassin du Buëch (n° 321-1, pl. 21). Seule le premier site a fait l’objet d’une analyse sédimentaire qui démontre le parcage des petits ruminants (étude de J.-E. Brochier in Gilles 1988b). Pour le second, la fonction de bergerie ne peut être que proposée au vu de la description stratigraphique (Ulysse 1976, 1991).
La rareté des lames de hache en contexte de bergerie est soulignée par le cas de la Baume de Ronze à Orgnac (n° 221-1) qui présente une séquence néolithique continue : trois lames polies proviennent des niveaux du Cardial, six de ceux du Néolithique final (Ferrières et hors stratigraphie) mais aucune n’a été retrouvée dans les couches chasséennes constituées exclusivement de limons de bergeries. Nous pouvons également citer le cas de la grotte d’Antonnaire à Montmaur-en-Diois (n° 102-1) dont les diverses «fouilles» commises depuis le XIXème siècle ont fourni en tout dix lames de hache. Les sondages réalisés dans les années 1980 ont montré l’importance des niveaux de bergerie durant le Néolithique moyen, en parallèle avec une probable occupation humaine du porche attestée par un mobilier abondant. Mais il est impossible d’attribuer les lames de hache au Chasséen et d’établir un lien fonctionnel avec les activités de la bergerie. Au contraire, la présence de facettes de polissage transversal sur les trois pièces que nous avons étudié montre qu’elles doivent être attribuées au Néolithique final (pl. 100)145.
Dans les hautes vallées des Alpes, deux sites peuvent présenter un lien avec le pastoralisme. A Roreto/Balm’Chanto (n° 922-1), les occupations du Néolithique final correspondent à des haltes répétées dans un abri-sous-roche (Nisbet et Biagi dir. 1987). Une interprétation proposée est la fonction de halte sur un parcours pastoral, peut-être en déplacement entre le fond de vallée et les alpages (ibid.). Aucun élément ne plaide pour une stabulation prolongée ; la production de lames de hache et de pointes de flèche en roches tenaces est une activité parmi d’autres. A Sollières/les Balmes (n° 547-1), petite grotte en bas de versant, il y a pour le Néolithique final conjonction d’un mobilier abondant et varié qui atteste un habitat dans la grotte ou sur le replat qui la domine, et la présence de sédiments constitués en grande partie par des fumiers fossilisés (Brochier, Beeching et alii 1999). Aucun lien précis ne peut donc être établi entre les lames de hache (pl. 34 à 36) et la fonction de bergerie qui n’est sans doute elle-même qu’une partie des motivations de l’occupation de la grotte.
Contrairement à ce qui est dit dans le travail de M. Ricq-de Bouard (1996, p. 118).