2.3.3 Les sites en position de surveillance

La présence d’implantations sur des positions topographiques de contrôle visuel (sommet de montagne, replat à flanc de versant) ou physique (col, cluse, défilé) du paysage et des lieux de passage apparaît durant toute la durée du Néolithique. Il est bien évident que la fonction de contrôle n’est sans doute pas la seule motivation de l’occupation, mais nous les regroupons sous cette rubrique pour mettre l’accent sur leur importance (carte 9).

Au Néolithique ancien, le seul site en position de surveillance ayant livré une lame polie est La Motte-Chalancon/plateau du Rif dans les Préalpes drômoises (n° 105-1, pl. 1). C’est au Néolithique moyen que se développent de tels sites, en particulier dans les reliefs compris entre le Rhône et le Buëch (Beeching 1989). Nombre d’entre eux ont livré des lames de hache, mais la plupart des mobiliers sont hors contextes chronologiques précis. Le site du col des Tourettes à Montmaurin qui commande le passage entre le bassin de la Drôme et celui du Buëch (n° 336-1) fait exception : ses occupations néolithiques les plus anciennes, dans une phase initiale du Néolithique moyen, ont livré une lame polie entière et cinq fragments (pl. 7). Les lames polies attestées sur les sommets de Châteauneuf/le Navon (n° 39-1 : cinq pièces, pl. 105) et de Vercoiran/Sainte-Luce (n° 181-1 : trois lames polies minimum, pl. 96), ainsi que la série du pied de col de Barret-de-Lioure/le Moulin (n° 9-1 : six pièces, pl. 96) ne peuvent être datées.

Dans le Sillon alpin, une série de sites de hauteur en position de contrôle est du plus grand intérêt de par la présence fréquente de preuves de fabrication de lames polies sur place (carte 24). Saint-Alban-Leysse/Saint-Saturnin (n° 531-1) et Vif/Saint-Loup (n° 457-1) qui ont livré respectivement 46 et 9 lames de hache, ébauches comprises, illustrent bien la question même s’il n’est pas possible de dater le mobilier poli. Un autre site perché de production et de contrôle pourrait être le Serre des Sées à Saint-Martin-de-Clelles (n° 446-1) qui domine la vallée du Drac en amont de la plaine de Grenoble. Le mobilier lithique taillé conservé est attribué au Néolithique final, mais les 25 lames polies découvertes au début du XXème siècle sont aujourd’hui perdues. De même datation, le site de Rochefort à Varces occupe également une position dominante dans la vallée du Drac, mais une seule lame polie en est aujourd’hui conservée (n° 453-1). Au pied du col des Tourettes, le col de la Saulce à l’Epine (n° 317-1) a livré en ramassages de surface les témoins d’une occupation du Néolithique final, parmi lesquels figurent deux lames polies.

En Savoie, les sites du défilé de Pierre-Châtel ont pu assurer une fonction de contrôle du franchissement du Rhône, particulièrement étroit en ces lieux. Les lames de hache sont attestées à la Balme/Grande Gave (n° 507-1 : deux lames polies, pl. 80) et au Seuil des Chèvres (n° 507-2 : une pièce, pl. 80), à Virignin/Batteries Basses (n° 738-1 : huit pièces, pl. 80), et à la grotte des Romains (n° 738-2 : une pièce). La Grande Gave a également livré deux percutants sur fragments de lame polie. Malheureusement, aucun de ces objets ne peut être daté.

La présence de lames de hache sur des sites en position de surveillance du paysage n’est donc pas anecdotique, et il serait intéressant de vérifier des points de découvertes anciennes, tel le col de La Motte dans le Diois, qui relie le bassin de la Drôme à celui de l’Eygues (n° 105-0) : quatre lames polies y ont été anciennement récoltées sans qu’aucun site ne soit signalé. Dans le Sillon alpin, un lien peut donc être établi entre la position du site qui permet de surveiller le paysage et les passages, et la présence sur place de la production de lames de hache, dont nous avons vu qu’elle procède d’un contrôle de la circulation des ébauches (carte 24 et p. 230-235). Dans le Diois et la vallée du Buëch, une constatation proche peut être établie pour les sites de production dont les plus importants ne sont pas implantés en position dominante mais au contraire en fond de vallée sur les terrasses alluviales, et en particulier près de confluences de rivières (carte 25). Menglon/Terres Blanches (n° 84-2), les sites du Clapiers et de Vallieu à Recoubeau (n° 126-1 et -2) gravitent autour de la confluence Bès/Drôme ; Sigottier/le Forest et la Plaine (n° 362-2 et -3) sont proches de la confluence entre le Petit et le Grand Buëch. Nous pouvons donc émettre l’hypothèse que l’implantation des sites de production soit liée aux possibilités de passage en un lieu le long d’itinéraires. L’idée d’un contrôle technique et géographique de la production s’en trouve ainsi renforcée.

Plus à l’ouest, les sites de sommet et de col, dont Vercoiran/Sainte-Luce et Montmorin/col des Tourettes sont les représentants exemplaires, ne livrent pas d’ébauches ou de pièces liées à la fabrication. Leur fonction s’inscrit donc dans la diffusion de lames polies achevées, mais il n’est pas possible en l’état actuel des recherches de se prononcer sur la place qu’il occupent dans la structuration du réseau. Il est probable que les lames polies retrouvées sur ces sites soient les outils des hommes qui les occupaient, et non pas des pièces destinées à circuler.