2.4.1.1 Les rituels Chamblandes

L’inhumation avec une lame de hache est attestée de manière récurrente bien que peu fréquente dans les cistes de type Chamblandes dans le nord des Alpes occidentales et la région lémanique. Deux sites en attestent dans le Valais. A Brig-Glis/Heh Hischi, une vingtaine de tombes ont été mises au jour à la fin du XIXème siècle (n° 806-1)146. Parmi le mobilier abondant aujourd’hui conservé figurent une lame de hache entière en roche tenace et deux grandes pièces triangulaires en silex taillé à retouches bifaces plates (type «Glis-Weisweil»).

A Saint-Léonard/les Bâtiments (n° 815-1), trois tombes en ciste ont été fouillées dans les années 1970 (Corboud, Leemans et alii 1988). Chacune contenait une lame de hache en éclogite (pl. 10). La tombe 1 contenait deux femmes et un homme âgés et un jeune homme ; la lame de hache était déposée au milieu de la ciste. Dans la tombe 2, une femme, un enfant et un homme ont été inhumés successivement ; d’après la position de la lame de hache et de la main du dernier inhumé, il est probable que celui-ci tenait en main une hache emmanchée déposée devant lui. La tombe 3 contenait les restes incinérés d’un homme, une femme et un enfant, ainsi qu’un enfant non incinéré. Le mobilier, une pointe de flèche et une lame polie, a été brûlé. De ce fait, il est possible de penser qu’ils ont été incinérés en même temps que l’un des défunts et ensuite récupérés avec les os brûlés pour être déposés dans la ciste. Il est possible que la hache ait été emmanchée lors de la crémation, ce qui aurait conduit à la combustion du manche et à l’éclatement de la lame : seule la moitié distale a été retrouvée dans la tombe, et elle présente une altération de couleur blanc-vert clair qui indique une chauffe importante.

Les lames polies déposées dans les tombes de Saint-Léonard/les Bâtiments fournissent des indications précises sur le statut des haches durant le Cortaillod valaisan. Elles indiquent que la hache est un bien personnel et probablement masculin, qui accompagne l’homme dans la tombe (individu 2A de la tombe 2) ou sur le bûcher (tombe 3). Mais ces constatations ne peuvent être extrapolées sans réserve. En effet, dans la haute vallée du Rhône français, les tombes de la petite nécropole de la grotte de Souhait à Montagnieu (n° 722-1) ne montrent pas d’association aussi stricte. D’après les données publiées, une lame de hache provient d’une inhumation double en pleine terre (Sg) et une autre d’une sépulture en ciste d’enfant en bas âge (S3). Dans les deux cas, la lame polie était placée près de la tête (Desbrosse, Parriat et Perraud 1961).

En fait, la présence de lames de hache dans les sépultures Chamblandes du Valais doit être considérée comme une exception au sein des sépultures du Néolithique moyen affiliées à ce rituel funéraire. Dans la phase ancienne de la sériation proposée par P. Moinat, correspondant au Néolithique moyen I avant le milieu du Vème millénaire av. J.-C., le mobilier funéraire est très rare (Moinat 1994-95, 1998). Les lames de hache n’apparaissent qu’à trois reprises dans des tombes individuelles d’adultes près du lac Léman, à Lausanne-Vidy (une longue lame polie triangulaire en «roche verte» au tranchant éclaté, une lame de hache-marteau largement ébréchée) et à Pully/Chamblandes (une lame de hache-marteau ; pl. 159). La présence de ce mobilier d’exception mais cassé (volontairement ?) indique un statut particulier pour ces objets, chargés d’une forte valeur mais rendus inutilisables avant l’inhumation (cf. chapitre 7). Dans la seconde phase chronologique du rituel Chamblandes, qui peut être mis en parallèle avec le Néolithique moyen II, le mobilier funéraire est plus abondant et les sépultures multiples apparaissent (ibid.). Mais les lames de hache sont toujours aussi rares : trois exemplaires en silex taillé de type Glis-Weisweil sont connus en tombe, à Glis déjà cité, à Lausanne-Vidy dans une tombe d’adulte et à Lutry/Châtelard (Moinat 1994-95). Quant aux lames de hache en roches tenaces, nous n’en connaissons qu’à Brig-Glis/Heh Hischi, Saint-Léonard/les Bâtiments et à Montagnieu/grotte de Souhait, où il s’agit de pièces de dimensions communes.

L’idée de l’association de la hache avec un bien personnel et masculin, si elle est assez claire à Saint-Léonard/les Bâtiments, ne trouve confirmation nulle part ailleurs. Le manque de publications exhaustives de nécropoles du Néolithique moyen ne permet pas de raisonner sur des données chiffrées, mais il est probable que cette absence ne soit pas liée à un problème de représentativité, dans la mesure où les hommes sont bien attestés dans les tombes. Les données publiées pour Corseaux/En Seyton (Baudais et Kramar 1990) et pour Collombey/Barmaz I (Honegger 1994-95) indiquent respectivement 12 hommes adultes pour 48 inhumés et 9 hommes adultes pour 48 individus.

Notes
146.

La présentation de chaque site et les renvois bibliographiques sont portés en annexe 2.