3.1 Economie de la matière, économie de l’objet

La gestion de la lame polie peut être comprise selon deux orientations complémentaires. Les lames de hache font l’objet une véritable économie de la matière, puisque les pièces ébréchées sont soigneusement reprises et que les objets cassés en deux servent de blocs de matière pour un nouveau refaçonnage. Cette attention portée à la lame polie est plus forte s’il s’agit des roches les plus diffusées et en plus grand nombre, à savoir les éclogites et les jadéitites. L’économie de la matière joue donc en faveur des roches employées préférentiellement, mais il s’agit bien d’un choix et non d’une contrainte économique. En effet, plutôt que de recycler au maximum des lames polies en éclogites, les néolithiques auraient pu aussi bien employer d’autres roches équivalentes, ce qu’ils ont effectivement fait dans certaines régions et à certaines périodes (carte 18). Il y a donc une valeur accordée à la roche qui n’est pas seulement liée à l’usage de l’outil. En cela, il s’agit tout autant d’une économie de l’objet que d’une économie de la matière : les lames polies font l’objet d’une attention, d’un long entretien qui atteint une intensité rare au sein de l’outillage néolithique. Le fait s’exprime par l’épuisement de la matière quand la lame polie est finalement rejetée et par les refaçonnages systématiques des biseaux du tranchant qui sont entretenus en permanence. Une telle valeur de l’outil semble exister durant tout le Néolithique et constitue un fond commun à toutes les populations alpines et rhodaniennes, sans relation -en l’état actuel de nos connaissances- avec la distance aux sources de matières ou aux sites de production.