1.2.1 Définition d’un «type Bégude»

Le dépôt de La Bégude-de-Mazenc/quartier Gros Jean (n° 16-1) permet la reconnaissance d’un type très particulier de lames polies alpines de grandes dimensions longuement façonnées et présentant un anneau bouchardé postérieur au polissage (Cordier et Bocquet 1973). Cinq particularités techniques permettent de voir en ces lames polies des pièces non utilitaires de facture exceptionnelle qui définissent un «type Bégude» (Thirault 1999b) :

• une forme très allongée, avec des allongements pouvant atteindre 5,6, qui va de pair avec de grandes dimensions (jusqu’à près de 35 cm),

• un préformage par bouchardage poussé à son maximum, afin d’obtenir un objet le plus régulier possible, de section ovalaire (façonnage de type A) et de forme triangulaire à sommet biseauté,

• un polissage parfaitement maîtrisé et intégral de l’ébauche, par petites plages ordonnées à stries très fines invisibles à l’oeil,

• un tranchant très convexe parfaitement poli, relié aux côtés sans rupture,

• la présence d’un anneau bouchardé postérieur au polissage.

De plus, toutes sont réalisées en éclogites alpines et présentent des variations de forme et de proportions qui ne sont pas aléatoires mais permettent de proposer l’existence d’un archétype dont chaque objet représente une réalisation plus ou moins aboutie. Nous avons donc cherché si d’autres lames polies de notre corpus pouvaient être rattachées au «type Bégude» ainsi défini. Pour ce faire, nous avons examiné les pièces entières mais aussi les fragments, en prenant en compte le mode de polissage, l’existence d’un tranchant très convexe relié aux côtés sans rupture, et la présence d’un anneau bouchardé. Dans notre zone d’étude, 27 pièces ont été retenues qui présentent au moins l’un de ces trois critères (fig. 71). Toutes possèdent en plus quatre points communs qui les rapprochent du «type Bégude» :

• les roches mises en oeuvre sont des éclogites, ou, dans un cas, une jadéitite,

• toutes sont façonnées par un long bouchardage, déterminant une section ovalaire régulière (type A),

• elles sont de grande longueur, supérieure à 15 cm quand elle est connue, à 3 exceptions près comprises entre 11 et 13 cm ; en corrélation, l’allongement est toujours supérieur à 2,6,

• quand le tranchant est conservé, il est toujours en parfait état et affûté.

Parmi elles, deux lames polies découvertes à Saint-Priest (n° 466) et à Vienne (n° 456-0) présentent le tranchant continu, le polissage soigné et l’anneau bouchardé qui permettent de les considérer comme des «type Bégude» au sens strict, auquel nous rattachons le fragment proximal de Saint-Alban-Leysse/Saint-Saturnin (n° 531-1 ; pl. 83 n° 1) qui est identique à ceux des lames polies du dépôt de La Bégude (carte 36). Les autres pièces retenues ne présentent que l’un ou l’autre des trois critères et de plus, le polissage n’est pas toujours intégral, même si dans les cas étudiés à la loupe binoculaire il procède d’une maîtrise technique identique au type Bégude, au moins pour les biseaux du tranchant. Nous proposons de regrouper sous le terme de «type Bégude au sens large» toutes les lames polies définies ci-dessus, qui ne sont pas de «type Bégude» au sens strict mais qui possèdent plusieurs des critères esthétiques du «type Bégude». Elles se distinguent ainsi des autres grandes lames polies en éclogite longuement bouchardées (type A), qui en particulier sont peu polies (cf. infra). La distinction d’un «type Bégude» au sens large permet de nous accorder avec la terminologie proposée par Pierre Pétrequin et collaborateurs pour l’Europe occidentale (Pétrequin, Croutsch et Cassen 1998). Le critère de distinction principal entre «type Bégude» sens strict et sens large est l’application de canons esthétiques plus stricts, en particulier sur le polissage, et surtout la présence d’un anneau bouchardé.