1.3.1.4 La découverte de Bonneval-sur-Arc/le Vallonnet

La découverte du Vallonnet à Bonneval-sur-Arc en Haute-Maurienne, doit être présentée en détail (carte 36, n° 511-1). Trois objets ont été recueillis lors de travaux effectués à quelques mètres d’un abri-sous-bloc, vers 2200 m d’altitude (cf. p. 460). Des trois objets examinés, un seul est sans conteste façonné (fig. 71 ; pl. 115). Il s’agit d’une pièce très allongée (rapport de 4,5) et longue (29,9 cm), de section ovalaire asymétrique et de forme sinueuse. A l’exception d’éclats récents, postérieurs à la mise au jour, sur les deux extrémités, la pièce est entièrement façonnée par un bouchardage grossier qui a permis de régulariser le corps mais n’a pas fait disparaître entièrement les irrégularités. Une extrémité présente nettement un double biseautage qui donne à la pièce la forme d’une lame de hache. Cet objet serait identifié sans conteste à une grande ébauche bouchardée en attente de polissage, si son matériau constituant ne posait problème. Un examen à l’oeil nu des surfaces non patinées nous a en effet permis de constater que la roche, couleur grise et litée dans le plan horizontal, présente une texture à gros grain homogène où des cristaux de quartz et de petits micas noirs sont nettement visibles. De tels caractères sont sans équivalent dans le mobilier poli que nous avons étudié et, dans l’attente d’une analyse de laboratoire, nous penchons pour une roche de type gneiss, en tous cas d’une composition très différente des roches habituellement rencontrées dans le mobilier poli des Alpes occidentales, et en particulier dans les vallées internes.

Le doute serait donc permis quant à la datation néolithique de cet objet si une découverte récente en Piémont n’était venue apporter crédit à la pièce de Bonneval151. A Fossano/San Lorenzo, dans la Province de Cuneo, une très longue lame polie a en effet été découverte isolée (Venturino-Gambari, Chiari et alii 1999). Ses proportions (32,5 cm de long, allongement de 6,25 ; fig. 72) et sa forme en boudin régulier et bouchardé sont sans équivalents dans les Alpes occidentales, à notre connaissance. Seul les biseaux du tranchant sont polis. Mais la particularité la plus singulière est le matériau, une prasinite (déterminée par analyse aux RX), roche métamorphique très courante dans les Alpes mais, là encore, d’usage inconnu pour les lames polies.

Nous proposons donc d’établir un parallèle entre ces deux découvertes : dans les deux cas, les objets sont façonnés sur des roches auparavant inconnues dans l’outillage poli, présentent une forme très allongée à section de tendance ovalaire (façonnage de type A), ont un aspect peu soigné (corps laissé bouchardé) et des dimensions exceptionnelles. A Fossano, il s’agit d’une lame polie achevée et régulière tandis qu’à Bonneval, nous pouvons interpréter l’objet comme une ébauche abandonnée au stade d’un premier bouchardage grossier. Les modalités de façonnage permettent de rapprocher ces deux pièces du «type Zermatt», mais l’interprétation en est malaisée, faute de comparaisons possibles : s’agit-il d’imitations ponctuelles de longues lames polies en éclogites, ou faut-il voir dans ces deux pièces l’indice de l’existence d’une véritable production spécifique au coeur des vallées internes ?

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Figure 73. Logique technique de la fabrication de grandes lames polies à partir des modèles utilitaires. En haut, le ’type Zermatt’, longuement bouchardé, très peu poli ; en bas, le ’type Bégude’, longuement bouchardé puis poli, avec un tranchant courbe, parfois un anneau bouchardé postérieur.
Notes
151.

La bonne foi de l’inventeur est hors de cause : l’objet présente une patine et une altération de surface importantes qui excluent qu’il puisse s’agir d’un façonnage récent.