2.1 Le dépôt de La Bégude-de-Mazenc : le contexte

La commune de La Bégude-de-Mazenc est située dans le sud-ouest du département de la Drôme, dans une petite entité géographique relativement plane, la Valdaine, cernée de collines et ouverte sur la vallée du Rhône à la hauteur de la ville de Montélimar (carte 36). Le site du quartier Gros-Jean occupe une position légèrement dominante au beau milieu de la plaine, à 180 m d’altitude, sur l’interfluve entre le Vermenon et le Jabron, d’où la vue couvre une bonne partie du bassin valdainais.

Les circonstances de la mise au jour des objets, relatées par G. Cordier et A. Bocquet dans la publication originelle de 1973, ont été réexaminées par nos soins en 1998 auprès des inventeurs. Certains détails ayant été apportés, nous résumons ici l’ensemble des informations aujourd’hui disponibles (Thirault 1999b). La découverte a eu lieu au printemps 1972, lors du labour d’une parcelle comprenant un ancien chemin vicinal acquis suite au remembrement. A l’emplacement du chemin, retourné sur trente centimètres de profondeur environ, sont apparues trois lames de pierre polie groupées. Récemment rendues à leur propriétaire, il s’agit des n° 7, 8 et 9 (pl. 122 à 124). Un second groupe de trois lames de hache, à environ un à trois mètres du premier, puis un troisième groupe de trois, ont été retrouvés dans les jours suivants. Il s’agit des n° 1 à 6, publiées en 1973, mais le souvenir des associations s’est perdu et la publication ne l’indique pas (pl. 116 à 121). Une dixième pièce a été également découverte (n° 10) dans des conditions inconnues (pl. 121).

S’il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’un ensemble cohérent, ce qui est souligné par l’aspect général des pièces (cf. supra), il est difficile de certifier qu’il s’agisse d’un dépôt unique. Rien ne prouve en effet que les trois groupes de lames polies proviennent du même lieu de dépôt originel dans le sol. Leur découverte successive suggère au contraire qu’il puisse s’agir de trois dépôts disposés à peu de distance les uns des autres. A défaut de fouilles, nous avons constaté en 1998 par prospection de surface l’absence de vestiges néolithiques dans le champ. Il est impossible néanmoins de dire formellement s’il s’agit d’un ou de plusieurs dépôt(s) isolé(s) ou s’il appartient à un ensemble funéraire ou autre ayant laissé peu de traces. Dans l’attente, la première hypothèse est retenue.

Pour autant, ce dépôt intentionnel n’est pas isolé puisque l’ensemble de la Valdaine connaît des occupations fortes durant le Néolithique, mises en évidence lors des travaux de terrain menés par le Centre d’Archéologie Préhistorique de Valence (Beeching, Berger et alii 1994). Dans un rayon d’un kilomètre, deux sites néolithiques sont connus. L’un, à 500 m à l’ouest (point n° 1/112), a livré quelques silex de type néolithique indéterminé. Au sud, au domaine des Chênes (point n° 1/109-111), une petite série lithique est rapportée au Mésolithique-Néolithique ancien et au Chasséen récent (sites inédits). En outre, à trois kilomètres environ à l’Est, le lieu-dit Châteauneuf-de-Mazenc, village médiéval ceinturant une colline fortifiée, a livré anciennement 23 lames polies et fragments, dont l’un présente le tranchant arrondi du «type Bégude» (n° 16-0 ; pl. 135). Les conditions de découverte sont inconnues, mais pourraient correspondre à un site néolithique. Rappelons que nous avons recensé environ 190 lames polies sur l’ensemble de la plaine de la Valdaine, soit une densité d’environ 0,6 lame polie par kilomètre carré, chiffre important par rapport à l’ensemble de notre zone d’étude (carte 8). En outre, plus de 40 sites sont connus pour la période du Néolithique moyen (42 en 1994 ; ibid.). Le dépôt de La Bégude, qui peut être daté d’une phase ancienne du Néolithique moyen d’après le mobilier (cf. supra), est donc placé au coeur même d’un territoire densément occupé durant le Néolithique.