2.4.2 L’implantation géographique des dépôts

La répartition des découvertes assurées ou pressenties fait ressortir deux types d’implantations (cartes 36 et 37). Huit dépôts isolés sont situés dans les reliefs alpins, le plus souvent à des emplacements particuliers. Quatre sont placés dans les reliefs intra-alpins : dans la haute vallée du Rhône en Valais (Fully/les Cartes, n° 810-1), dans la basse vallée de Suse (Vaie/Rumiano, n° 928-1) et le long de probables itinéraires d’altitude : Zermatt/Garten dans le Haut-Valais (n° 823-2) et Bonneval-sur-Arc/le Vallonnet en Haute-Maurienne (n° 511-1). Quatre sont au beau milieu ou au débouché de cluses importantes qui permettent de sortir des reliefs (cartes 36 et 37) : cluse de l’Arve (Magland/Balme, n° 617-1), de Chambéry (Chambéry/ferme des Combes, n° 426-2), de Grenoble (Saint-Egrève, n° 443-1) et de Sisteron (Ribiers, n° 344). Toutes ces implantations sont en outre comprises dans les régions de production des lames polies en éclogites, de même que le dépôt de Vétraz-Monthoux dans la plaine du Genevois (n° 634) qui n’occupe pas de position topographique particulière mais est situé dans la basse vallée de l’Arve, axe de pénétration important en direction du Massif du Mont-Blanc. Il existe donc une relation forte entre la répartition des dépôts dans les reliefs alpins, les régions de production de lames polies en éclogites et les grands axes de circulation à travers les massifs.

De plus, dans les cas documentés, les roches constituant les lames polies sont précisément des éclogites, sauf exception (Bonneval/Vallonnet). De même, les anneaux-disques de Chambéry sont en serpentinites, roches importantes pour les parures. Il est à remarquer que les objets déposés sont toujours achevés, sauf à Bonneval/Vallonnet et peut-être à Vaie/Rumiano. Les dépôts isolés ne sont pas des cachettes d’ébauches, des réserves destinées à être récupérées en cas de besoin telles qu’elles sont connues autour des minières de silex du Bassin parisien (cf. inventaire in Cordier et Bocquet ibid.) et qu’elles ont pu être décrites en Irian Jaya dans le massif de Yeleme (Pétrequin et Pétrequin 1993, p. 146-147). Dans le cas alpin, les dépôts isolés sont donc liés au système de production et de diffusion des éclogites : ils apparaissent là où les personnes façonnent les lames de hache et en des lieux de signification importante pour les circulations de biens et d’hommes. Tout laisse donc penser que les dépôts sont une matérialisation du contrôle que certaines personnes ou communautés exercent sur la production et la diffusion des lames polies en éclogites.

A première vue, le dépôt de La Bégude-de-Mazenc (n° 16-1) s’oppose fortement à cette logique. Il est en effet implanté au coeur d’une région densément occupée durant le Néolithique, en bordure de l’axe rhodanien, ou aucune production de lames polies n’est attestée à ce jour. De plus, le site est placé hors de tout point de circulation évident. Il semble donc représenter autre chose. La qualité et le nombre des lames polies, sans équivalents dans les Alpes occidentales, l’emplacement du dépôt au milieu d’une plaine sur une légère éminence, donnent à penser qu’il matérialise l’affirmation d’un savoir-faire, et plus particulièrement un savoir-réunir : il donne à montrer la capacité de réunir en un même lieu des objets exceptionnels en quantité appréciable, dans un contexte de circulations de matériaux importantes.

nombre de lames polies dans le dépôt nombre de sites
1 5
2 20
3 13
4 4
5 10
6 1
7 2
8 2
9 2
10 1
11
12 5
13
14
> 15 6
Total 71
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Figure 77. Dépôts non funéraires de lames de hache en France. Répartition du nombre d’objets dans le dépôt, d’après les données publiées in Cordier et Bocquet 1973 et 1998.